À l'ombre de la gloire

Denis Lapière, Aude Samama

Futuropolis

  • Conseillé par
    23 octobre 2012

    Chronique

    Après Amato, un album inspiré par une nouvelle de Stevenson, Denis Lapière (scénariste) et Aude Samama (dessinatrice) collaborent à nouveau et ont choisi d’exhumer le destin de deux êtres oubliés que la vie avait pourtant gâté, du moins au début. Le titre est explicite, nous naviguerons de l’ombre à la lumière.

    Un prologue enneigé ouvre cet album dense basé sur les biographies de Mireille Balin et de Victor Perez. Un homme seul marche, silhouette ramassée dans l’espace blanc et gris. Puis il danse, les poings en avant, une dernière fois.

    L’histoire débute donc par la fin feutrée, élégante et tragique, du boxeur surnommé Young en janvier 1945. A la page suivante, les bannières nazies encadrent la planche; la grande histoire happe les plus petites. La peinture d’Aude Samama (je vous recommande son site), par aplats de couleurs et cernés noirs, bâtit les atmosphères et les lieux de ce voyage dans un passé mouvementé.

    La BD donne de la chair et de la matière à ces deux corps, celui du juif tunisien qui monta sur le ring à 16 ans et celui de Mireille Balin, fleur vénéneuse du cinéma français des années trente qui donna la réplique à Jean Gabin dans Gueule d’Amour. Pour elle aussi, on commence par la fin: sur une route, non loin de Monaco, la femme fatale des écrans d’avant-guerre sombre, le corps déchiré.

    Des planches saisissantes dans leurs lignes et leur composition ponctuent les étapes de ces deux parcours et construisent leur géographie ainsi que leur chronologie. Le danseur des rings arrive à Paris et s’entraîne avec Léon Bellières; la jeune bourgeoise, mannequin chez Jean Patou, séduit et s’abandonne facilement à tous les plaisirs avant de triompher sur les écrans. Les destins du champion du monde et de la beauté foudroyante se croisent en 1931 lors de la fête donnée en l’honneur du gagnant.

    Après l’ascension vient le temps où l’athlète déchu et l’actrice trop insouciante se voient rattrapés par l’hiver.

    Véro

    Lire la chronique illustrée : http://www.brestenbulle.fr/?p=7686