Les Années

Annie Ernaux

Gallimard

  • 2 juillet 2012

    Entre autobiographie et histoire collective, un récit époustouflant!

    Les années font figure de mémoire collective des Français de la seconde guerre mondiale jusqu'au XXIe siècle. Qu'on ait vécu ces décennies qui jalonnent le récit ou qu'on soit trop jeune pour s'en souvenir, étonnamment tout fait mouche. Ainsi des discussions du dimanche midi autour du repas dominical: après-guerre, les anciens parlent de leurs souvenirs. Au cours des années 60-70, les échanges autour des bienfaits du progrès et de la consommation prennent le relais. En ce début de XXIe siècle, la jeunesse désabusée parle société, faits divers, politique (sujet anciennement prohibé à table : autre temps, autres meurs).

    [...] Elle analyse avec finesse les incroyables bouleversements qu'ont entraînés les Trente Glorieuses, puis la Crise des années 70, le néo-capitalisme des années 80 et l'ultra-libéralisme des années 2000. Ou comment réaliser qu‘on a beaucoup perdu en croyant aux promesses de lendemains qui chantent.

    Les années est aussi un récit intime relaté à la troisième personne. L'objectif n'est pas autobiographique: l'auteur se garde de toute dérive narcissique. Les tranches de vie qui essaiment le livre sont toujours resituées dans un contexte global. Comment avortaient les femmes avant la loi proposée par Simone Weil? Pouvait-on ne pas se marier et vivre en célibataire ou, pire, en fille-mère?

    Annie Ernaux n'a pas seulement inventé une autre façon de se raconter et de nous raconter. Son style littéraire est complexe: phrases longues, alternant des listes d'évènements collectifs et des souvenirs personnels, ponctuation inexistante qui accélère le rythme de la lecture… On croirait une symphonie d'un nouveau genre, composée par un virtuose.