Une adolescence américaine

Joyce Maynard

Philippe Rey

  • Conseillé par
    19 juillet 2013

    Ce livre a été écrit en 1972 par Joyce Maynard alors qu'elle n'avait que dix-neuf ans. Un an plus tôt, cette jeune fille s'était retrouvée sous les feux de rampe grâce à un article paru dans le "New York Times". Devenue un modèle représentatif de la jeunesse américaine, des centaines des lettres lui parviendront. Parmi elles, une de J.D. Salinger, l’écrivain de "L’attrape-cœurs". Sa relation avec J.D. Salinger a fait l'objet d'un livre "Et devant moi, le monde". Une adolescence américaine s'inscrit dans la suite de son article sur la jeunesse américaine. Paradoxalement, Joyce Maynard se trouve souvent en décalage avec les jeunes de son âge. Et avec regard doublé d'une certaine distance, elle nous offre le portait de toute une génération dans un contexte politique, social et culturel.

    Sans s'arrêter à l'observation, elle parle d'elle. La jeune fille avec ses préoccupations de fille, son enfance, ses envies professionnelles, son rapport à l'écriture. Brisant certaines idées reçues en décrivant sa génération "nous sommes fatigués, souvent plus par ennui que par dépenses physique, vieux avant d'être sages, connaissant le monde non pour m'avoir parcouru mais pour l'avoir vu à la télévision. Chaque génération pense qu'elle est spéciale. (...). Ma génération se distingue davantage par ce que nous avons manqué que par ce que nous avons gagné car, dans un certain sens, nous sommes à la foi les premiers et des derniers. Les premiers à considérer la technologie comme allant de soi. Les premiers à grandir avec la télévision. (...). Nous avions les Beatles, mais pas ceux de l'époque où ils étaient mignons et se ressemblaient tant avec leurs costumes assortis et leurs chansons qui vous faisaient pleurer. Ils nous sont tombées dessus comme une mauvaise blague - plus vieux, barbus, mal accordés. Nous avons hérité de la guerre du Vietnam juste après le début de la vague - trop tard pour brûler les cartes d'incorporation et trop tôt pour ne pas être incorporés. "
    Une génération qui n'a pas connu les problèmes d'argent et qui sans renier l'argent " jouait au pauvre et vivait en riche", qui a consommé de la drogue (l'auteure dit avoir goûté mais sans y trouver d'intérêt).
    Une période où être populaire au lycée signifiait être influent, exister aux yeux des autres. Rien n'a changé....
    Le culte du paraître toujours et encore, celui de la minceur entrainera Joyce Maynard dans le cercle de l'anorexie.
    De ce témoignage ancré dans l'Histoire, l'intemporalité et l'universalité de certains sujets sont frappants. Tout comme le regard mature et les réflexions de Joyce Maynard. Un livre devenu hérisson par le nombre de marque-pages que j'y ai inséré..
    L'avant-propos rédigé à l'occasion de la sortie de ce livre en France par l'auteure est touchant par sa sincérité.
    Je ne me lasse pas de lire cette auteure, de la découvrir avec ce sentiment particulier de nouer un lien comme avec Annie Ernaux.


  • Conseillé par
    27 mai 2013

    Dans ce livre composé d'articles publiés dans différents magazines américains et écrits quand l'auteure avait environ dix-huit ans, elle dresse un portrait d'une certaine jeunesse américaine des années soixante. Elle appuie parfois sur des points très intéressants, comme le fait que si pour un garçon, il est assez facile de trouver une équipe à laquelle appartenir, la seule équipe possible dans son école, c'était celle des pom-pom girls dont Joyce Maynard n'a jamais fait partie. Elle critique aussi l'enseignement et cette impression qu'elle a eue et que nous, français ne connaîtrons que plus tard je pense, de servir de cobaye à de nombreuses expériences sans cesse abandonnées, comme celle de ne plus mettre de notes ou au contraire, d'utiliser un tableau d'honneur. Elle explique très bien le sentiment d'appartenance à cette génération Beatles et la révolution que fut ce groupe pour les jeunes d'alors. La manière dont elle oppose Les Beatles et les Rolling Stones me paraît extrêmement pertinente:

    Avec les Beatles, j'avais l'impression de faire partie de la bande; avec les Stones, je me sentais déséspérement hors du coup [...]. J'imaginais leurs copines dans les coulisses, des vraies dures de dures en train de fumer, avec cheveux teints en rouge, des tatouages, des chaînes et des bottes.

    On se reconnaît dans l'adolescence qu'elle fut, celle qui est toujours dans les dernières à être choisie quand on compose une équipe. Bref, elle touche. Mais elle a aussi, bien sûr, les défauts de sa jeunesse (et dans l'avant-propos, Joyce Maynard le reconnaît), ce manque de recul par rapport à certaines de ses grandes idées.

    J'aime beaucoup la couverture de ce livre qui fit la couverture du New-York Time magazine en 1972. Tout comme j'ai aimé que son traducteur qui ne se sentait pas très utile a prise de nous deux lors de la séance de dédicace propose aux lectrices de les prendre en photo avec Joyce Maynard. Comme nous n'étions qu'une petite dizaine, Joyce Maynard a vraiment pris le temps de parler avec chacun, posant des questions, posant pour les photos. Je garderai un beau souvenir de cette rencontre.