Confiteor

Jaume Cabré

Actes Sud

  • Conseillé par
    17 septembre 2014

    Espagne, roman à tiroirs

    C'est l'histoire de Félix Ardevol et de sa passion pour les beaux objets qui
    lui piquent le bout des doigts.

    C'est l'histoire d'un violon de légende, le Vial, depuis sa conception et la
    découpe de son bois, la vie tumultueuse de ses différents propriétaires dont
    Félix Vial.

    C'est l'histoire d'Adria Ardevol, de son enfance passée dans le silence, de
    son amitié avec Bernat, de son amour pour Sara, de sa passion pour les
    langues et la culture.

    C'est l'histoire de la mère d'Adria qui reprend le magasin d'antiquité après
    les décès de son mari et qui continue à tenir les rênes de la famille.

    C'est l'histoire de Bernat, violoniste talentueux tentant de devenir écrivain,
    de son fils Lorensc qu'il ne comprend pas.

    Ce sont des vies qui se nourrissent de l'art musical, pictural et écrit.

    Mais la mémoire d'Adria le trahit, et c'est là que ce roman à tiroirs fait très
    fort qu'il non content d'imbriquer les histoires les unes dans les autres, les
    placent au coeur même de la narration principale. Au lecteur de dénouer
    l'écheveau des histoires dans l'histoire. Une gymnastique passionnante qui
    nous fait faire des bons à travers les siècles sur tout le continent.

    Une lecture parfois rude, à cause de ces bons entre les histoires, mais
    une lecture à part et dans le fond et dans la forme.

    L'image que je retiendrai :

    Celle du chef arapaho et du cow-boy Carson qui guident Adria dans ses
    premières années.

    Une citation :

    "Il avait raison sur un point, Euripide : la raison humaine ne peut pas
    vaincre les puissances irrationnelles de l'émotivité de l'âme." (p.277)

    http://motamots.canalblog.com/archives/2014/09/02/30357883.html


  • Conseillé par
    4 avril 2014

    De la grande littérature

    Barcelone, ville magique et truffée de symboles. Adrià veut être historien des idées et de la culture … « Nous ne sommes pas au monde pour être heureux » dit sa mère, qui rêve de faire de lui le meilleur violoniste du monde. « Ne m’oblige pas à te punir ! Apprends tes leçons ! » dit son père, qui aura toute sa vie trahi, menti, dénoncé, volé … Ugh dit Aigle-Noir, le valeureux chef arapaho, soutien moral et compagnon de l’enfance. Mais que dit Adrià ? Pas grand-chose et tout à la fois, mais pas forcément l’essentiel pour sauver son amour ou son amitié.

    Adrià est un enfant solitaire devenu adulte dans la souffrance de l’absence d’amour. Il a du mal à accepter la vie, à accepter la mort. En toile de fond, cinq siècles d’histoire défilent et nous parlent du mal, de la faute, du pardon, de l’incroyable nature humaine, de la fin d’un monde humaniste. La cruauté est là, présente dans nos vies alors que nous cherchons en vain le territoire du bonheur. Comme Adrià qui tente de rencontrer les dieux, hors du temps et de la folie des hommes, son Arcadie, la beauté, un regard bleu, une note de musique. Mais, la culture n’est pas un antidote à la violence et même Dieu n’y peut rien, l’homme est fondamentalement mauvais ! Adrià adresse sa confession à Sara, l’amour de sa vie. Il veut comprendre et plonge aux sources du mal, il veut avouer sa propre lâcheté et sa fragilité. Confesser ou avouer … Le violon Storioni est un élément symbolique qui va passer de main en main et devenir objet de convoitise et porter avec lui le malheur.
    CONFITEOR est un roman grandiose, récit familial, pages d’histoire, fable à la fois épique et dramatique. On s’interroge, on pleure, on rit quelquefois. On pose à chaque fois le livre avec regret en attendant le moment heureux où l’on reprendra la lecture. Une écriture particulière, un texte nécessaire qui laisse pantois. Ce n’est pas un style décousu mais un puzzle, chaque chose venant prendre sa place, même si cela peut dérouter. Une mise en scène originale et astucieuse qui nous incite à poursuivre le voyage. De la grande littérature sans aucun doute.


  • Conseillé par
    21 décembre 2013

    Adrià Ardevol atteint d’Alzheimer décide de confier à son ami Bernat des feuillets où il a consigné sa vie et où il se confesse. Cette longue lettre est destinée à celle qui l’a toujours aimée Sara. Dis comme cela, on pourrait s’attendre à un récit avec une narration classique et une suite d’événements chronologiques. Et bien non.
    Dès les premières pages, le" je" côtoie le "il" et forcément cette narration interpelle l’œil, émoustille l’esprit et ce procédé permet de nous plonger entièrement dans les différentes voix empruntées. Confiteor débute par l’enfance d’Adrià. Son père antiquaire et collectionneur de manuscrits anciens veut qu’il apprenne dix langues au minimum et qu’il soit un violoniste hors pair. A sept ans, son avenir est ainsi tracé par la décision paternelle mais Adrià n’est pas d’accord.

    Même si l’apprentissage des langues est un jeu pour lui, il veut apprendre, étudier d'autres matières. Deux figurines Aigle Noir et le shérif Carson seront les témoins de cette enfance sans marque d'amour. Deux jouets dont il jamais il ne se séparera.
    Et sans que ça puisse paraître étrange, Jaume Cabré fait intervenir d’autres personnages comme un fabricant de violons, un colonel SS, un moine, un médecin en Afrique et bien d’autres encore. Il les enchevêtre dans le récit d’Adrià . Sans tout nous dévoiler, il nous livre des bribes de leurs histoires impliquées ou soumises à la grande Histoire. Et Adrià ? Il nous raconte son amitié avec Bernat, son amour pour Sara, ses études en Allemagne et toujours ce qui l’anime et le hante cette soif du savoir. Adrià qui se retrouve en charge des conséquences des agissements de son père sans n’avoir rien commis.
    Un roman puzzle qui nous immerge dans le bonheur de la lecture et dans les questionnements, qui nous fait traverser plusieurs siècles d’histoire mais sans jamais nous égarer. Le Bien et le Mal, l’Art sont omniprésents alors qu’Adrià nous agace plus d’une fois mais finit par gagner notre sympathie.
    Magistralement, Jaume Cabré nous montre comment tout est lié. Toutes ces vies, ces actes, les décisions prises s’unissent dans le temps. Un roman époustouflant, passionnant, rare, d’une richesse incroyable qui nous fait toucher du doigt le sublime, l’effroyable, nous submerge d’émotions et de réflexions, et nous donne cette envie de tourner les pages! Une lecture dont je suis ressortie éblouie et qui m’habite encore...