Charlotte Delbo, La vie retrouvée

Ghislaine Dunant

Grasset

  • Conseillé par
    23 octobre 2016

    Et pourtant, elle est revenue

    « Pourquoi êtes-vous devenue écrivain, Charlotte Delbo ? Parce que j’ai été déportée, parce qu’il y a eu Auschwitz ». Née en 1913 à Vigneux-sur-Seine (Essonne), elle s'inscrit en 1932 aux Jeunesses communistes où elle rencontre Georges Dudach, qu'elle épouse en 1936 et avec qui elle entre dans la Résistance en 1941. Ils sont arrêtés tous les deux en 1942. Lui est fusillé au mont Valérien et elle est incarcérée à la Santé, transférée au fort de Romainville et déportée à Auschwitz par le convoi du 24 janvier 1943 avec deux cent trente femmes résistantes comme elles.

    **« Le Malade imaginaire » derrière les barbelés**

    Envoyée à Ravensbrück le 7 janvier 1944, elle est libérée par la Croix Rouge le 23 avril 1945. Assistante de Louis Jouvet depuis 1937, elle récite « Le Malade imaginaire » derrière les barbelés. Dès son retour, elle rédige dans une véritable urgence, son « terrible voyage ». Comment continuer de vivre si l'on garde dans son corps la mémoire des coups, de la faim, de la soif, et de la peur ? Encore fragile, elle fait lire son manuscrit à celui qu’elle admire, Louis Jouvet. Insensible à son écriture, il ne voit pas qu’elle a écrit un des beaux témoignages sur la déportation, et lui conseille : « Ma petite Charlotte… Il faut que tu le réécrives… »

    **Elle a su raconter l’indicible**

    Malgré cette réaction du directeur de l’Athénée, elle persévéra et publiera un véritable chef d’œuvre sous le titre « Aucun d’entre nous ne reviendra ». Servie par une écriture limpide, cette magnifique biographie rend sa juste place à cette femme de lettres qui a su raconter l’arrivée au camp dans une plaine glacée, la captivité, la solidarité des compagnes, les SS et les souffrances qu’ils infligent, et surmonter la difficulté de trouver les mots pour exprimer ce qu’elle a vu et vécu dans sa chair.

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  • Conseillé par
    15 septembre 2016

    Cet épais et très complet ouvrage relate sa vie, de ses premiers pas dans le monde professionnel comme secrétaire de Jouvet ( l'évolution de ses rapports au "maître" est d'ailleurs très intéressante) , sa passion pour le théâtre, son amour pour la langue, ses premiers engagements, et puis la rencontre avec son grand amour, le communisme et l'entrée en guerre.

    Nous la suivons ensuite dans la Résistance, et puis l'arrestation. La déportation. Auschwitz, Ravensbrück, Raisko. Et puis le retour.
    Faire partie des survivantes. Revenir à un monde qui n'existe plus. Être celle qui revient , alors que les autres ne sont plus. Son mari. Son frère. Et tant d'autres.

    Devenir celle qui donne l’indicible à voir, qui met des mots sur les pires des violences, qui redonne vie à ses compagnes mortes au camp.
    Graver dans la conscience ce que les hommes ont commis de plus atroce.
    Écrire ce qui était impensable et qui fut pourtant la réalité.

    Mais le travail de Ghislaine Dunant ne s'arrête pas à la biographie, c'est aussi une analyse très complète du point de vue littéraire de l'oeuvre de Charlotte Delbo, poétique, romanesque, théâtrale, mais aussi correspondance ou articles dans la presse, ainsi que de ces difficultés à trouver un éditeur, à se faire entendre, d'une réception de ces textes parfois plus facile aux Etats-Unis que dans une France plus prompte à fermer les yeux qu'à voir en face certaines pages sombres de son passé.
    La difficulté d'être femme aussi parfois.

    Et c'est bien là toute la vie de Charlotte Delbo.
    Donner à voir.
    Ce qui fait mal. Ce qui fait honte.Ce sur lequel on a fermé les yeux.
    [...]
    http://lecture-spectacle.blogspot.fr/2016/09/charlotte-delbo-ghislaine-dunant.html