Hiver à Sokcho

Elisa Shua Dusapin

Zoé

  • Conseillé par
    2 mars 2021

    C'est un très court roman, le premier d’Élisa Shua Dusapin, elle-même franco-coréenne, qui prend son temps et qui se déguste. Il prend le temps donc d'installer les deux personnages principaux. Chacun dans sa personnalité et dans sa solitude. Ils vont chercher à se rencontrer, maladroitement, lui par ses dessins : il tâtonne, cherche, hésite, jette beaucoup. Elle par sa cuisine qu'il ne goûte pas. Ils ne se rejoindront pas vraiment, mais un peu quand même, chacun prenant de l'autre pour avancer.

    L'écriture est fine, précise, douce, un peu comme si quelqu'un nous murmurait le texte à l'oreille. Elle décrit brièvement les paysages pas très jolis de cette ville l'hiver. Elle est sensuelle également, parle des corps, des lignes, celles que cherche le dessinateur, celles de la jeune femme, de son amoureux mannequin qui n'hésitera pas à recourir à la chirurgie si on le lui demande, d'une cliente qui se remet doucement d'une opération esthétique... Élisa Shua Dusapin aborde les thèmes de la rencontre, de la solitude, de l'identité notamment lorsqu'on a une double culture.

    Un très beau texte qu'il faut prendre le temps de découvrir, ne point trop se presser pour n'en rien rater. Il débute ainsi :

    "Il est arrivé perdu dans un manteau de laine. Sa valise à mes pieds, il a retiré son bonnet. Visage occidental. Yeux sombres. Cheveux peignés sur le côté. Son regard m'a traversée sans me voir. L'air ennuyé, il a demandé en anglais s'il pouvait rester quelques jours, le temps de trouver autre chose. Je lui ai donné un formulaire. Il m'a tendu son passeport pour que je le remplisse moi-même. Yan Kerrand, 1968, de Granville." (p.5)


  • Conseillé par
    6 août 2018

    Dans le froid de l'hiver coréen, Yan Kerrand, dessinateur de BD normand, débarque à Sokcho, une ville portuaire proche de la frontière nord-coréenne. Il échoue dans une petite pension où travaille une jeune franco-coréenne qui n'a pas connu son père, n'est jamais allée en France, parle la langue mais préfère s'exprimer en anglais. Elle est immédiatement attirée par cet homme qui apporte avec lui un coin de ce pays qu'elle porte en elle sans le connaître. Leurs deux solitudes vont se jauger, se confronter, s'apprivoiser. Pudeur pour elle, choc culturel pour lui, un homme, une femme, une ville engourdie par l'hiver...

    Un livre court où il ne se passe pas grand chose et pourtant... Beaucoup de poésie, de délicatesse, de pudeur s'en dégagent, et tellement plus que l'histoire d'un homme et d'une femme séparés par des cultures différentes. En peu de mots, avec pour cadre une petite ville, l'auteure réussit à nous faire voir la Corée dans son ensemble avec ses sourires, son sens du service, sa savoureuse cuisine, sa douceur de vivre, sa quiétude mais aussi la tentaculaire Séoul qui attire les jeunes de province pour les perdre, la pression sociale qui s'exerce sur les filles en âge de se marier, le culte de la beauté qui a fait de la chirurgie esthétique un acte banal, un cadeau que l'on offre pour un anniversaire et, bien sûr, la guerre civile de 1953 qui a coupé le pays en deux et la voisine du Nord qui reste une menace permanente.
    Un huis-clos subtil et délicat où les sentiments sont tus pour laisser parler les sensations, la suggestion, les non-dits. Une moment hors du temps à savourer au cœur de l'été pour se rafraîchir un peu.


  • Conseillé par
    6 novembre 2016

    **Double coup de cœur d’onlalu pour ce roman**

    « Il est arrivé perdu dans un manteau de laine. Sa valise à mes pieds, il a retiré son bonnet. Visage occidental....» L'écriture, épurée, est celle d'une jeune étudiante franco-coréenne qui fait une entrée remarquée dans le monde des lettres avec ce premier texte. Une drôle d'histoire à la vérité que celle de cet homme, Yann Kerrand, un dessinateur de bande dessinée originaire de Granville (Normandie) qui s'installe dans une pension de Sokcho, une ville portuaire coréenne sans attrait en hiver, et d'une jeune fille qui travaille dans cette pension. C'est elle qui raconte. Expérience de lecture déroutante. Alternance de descriptions poétiques, esquisses de tableaux changeants qui s'emplissent au fur et à mesure de la lecture : ici un paysage maritime, là le dessinateur de dos griffant le papier de traits d'encre.

    Lire la suite de la critique sur le site o n l a l u


  • Conseillé par (Libraire)
    8 octobre 2016

    Frôlement de deux êtres

    Sud-Corée, dans la ville balnéaire de Sokcho, une réceptionniste franco-coréenne et un dessinateur normand se croisent. Un frôlement entre deux êtres perdus dans leurs obsessions. Une rencontre éphémère, comme l'odeur de l’encens évaporée dans la pluie. Une voix singulière naît avec ce premier roman.
    Carole


  • Conseillé par
    20 septembre 2016

    A Sokcho, Kerrand un auteur français de bandes dessinées s’installe dans une pension où travaille une jeune femme. La petite ville portuaire proche de la Corée du Nord n’a rien qui justifie que l’on y vienne en hiver. Et pourtant il y séjourne suscitant l’intérêt de la narratrice. La France est le pays de son père qu'elle n'a jamais connu et exerce sur elle une fascination. Entre timidité, appréhension, et envie, elle observe à la dérobée l’auteur, traque ses habitudes tout comme ses dessins inachevés jetés à la poubelle.

    Ce premier roman possède bien plus d’une qualité. Il y a l’atmosphère que l’on ressent sans toutefois la définir précisément. Tout comme les personnages qui gardent une part de mystère. Et c'est un livre où chacun peut à partir de l’histoire assez simple y ajouter sa version.
    A partir de la relation entre les deux personnages principaux sur la défensive, l'auteure nous parle de fragilité, du bruissement de deux cultures qui se croisent, des contraintes et des libertés.

    Avec une écriture épurée, belle et qui fait appel aux sens, ce premier roman d’Elisa Shua Dusapin est une découverte à part !
    Il s’en dégage une sensualité tout en pudeur, une grâce délicate et une sensibilité qui m’ont plus que touchée.

    "Sa valise à mes pieds, il a retiré son bonnet. Visage occidental. Yeux sombres. Cheveux peignés sur le côté. Son regard m’a traversée sans me voir. L’air ennuyé, il a demandé en anglais s’il pouvait rester quelques jours, le temps de trouver autre chose. Je lui ai donné un formulaire. Il m’a tendu son passeport pour que je le remplisse moi-même. Yan Kerrand, 1968, de Granville. Un Français. Il avait l’air plus jeune sur la photo, le visage moins creux. Je lui ai désigné mon crayon pour qu’il signe, il a sorti une plume de son manteau. Pendant que je l’enregistrais, il a retiré ses gants, les a posés sur le comptoir, a détaillé la poussière, la statuette de chat fixée au-dessus de l’ordinateur. Pour la première fois je ressentais le besoin de me justifier. Je n’étais pas responsable de la décrépitude de cet endroit. J’y travaillais depuis un mois seulement. "

    Merci à Arnaud (Dialogues) une fois de plus pour ce conseil de lecture.