La juste couleur, Chroniques poétiques
EAN13
9791026710066
Éditeur
Champ Vallon
Date de publication
Collection
Recueil
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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La juste couleur

Chroniques poétiques

Champ Vallon

Recueil

Indisponible

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S’orienter dans la richesse et la variété du champ poétique n’est pas chose
aisée. Ce livre pourrait y aider, en premier lieu par la diversité des livres
(de langue française ou en traduction) qui y sont commentés. C’est là un livre
fait « en lisant, en écrivant ». Lire la plume à la main, c’est mieux lire,
qu’il s’agisse d’essayer de cerner une émotion de lecture, de découvrir un
auteur ou un livre pour rendre compte de ce qu’on en a compris, ou qu’il soit
seulement question de citer Les qualités de ces textes, ce sont d’abord et
presque essentiellement celles-là. Savoir aimer, et découvrir que l’admiration
enrichit, non pas seulement l’esprit, mais la parole même de celui qui tente
de la dire ; comprendre que l’écho s’approfondit d’écouter la voix qu’il
s’efforce de réverbérer sans trop la trahir . L’irremplaçable poésie, qui
approfondit la vie tout simplement parce qu’elle ne la néglige pas, qui
élargit la conscience avec la parole qui la porte, n’a guère tiré profit de la
démocratisation de l’accès au savoir ou de la multiplication des moyens de
communication. Mais peut-être n’est-il pas tout à fait vain de livrer de temps
à autres une preuve de sa vitalité, au-delà de nos frontières aussi (parfois
surtout, tant la poésie en langue étrangère, et la riche fabrique de
traduction qui travaille en France, dans une indifférence sidérante, sont
parmi les plus beaux témoignages de notre temps). Si ce livre faisait
découvrir à certains quelques rencontres, proposait des noms, des titres,
comme on donne accès à des trésors après la découverte desquels on ne vit pas
de la même manière qu’auparavant, il ne serait pas inutile. Mais le critique
cette fois est aussi un auteur. Il lui est inutile de le dissimuler. Il ne
sait pas lire autrement qu’en espérant des pages cette « preuve de vie » qu’il
j’évoque à propos du poète danois Søren Ulrik Thomsen. Il ne sait pas trouver
« intéressante » une parole qui ne le trouble, ne le déplace, ne l’éblouisse.
De tout cela est née, plus qu’une série d’études dispersées (en dépit ou
plutôt grâce à la variété des œuvres ici présentées, et pour la plupart
servies) une considération sur l’état de la poésie aujourd’hui, et peut-être
même une réflexion en acte. L’ensemble n’a pas plus la prétention du panorama
(toujours fautif, et oublieux) que du palmarès ; il est né des hasards des
parutions, lesquelles ne concernent pas que la création contemporaine, mais
redonnent régulièrement accès à des auteurs qui peuvent être très anciens, et
évidemment actuels, puisque agissant aujourd’hui. Les rapprochements produits
dépassent pourtant le fait du hasard : des esthétiques apparemment
antagonistes, des œuvres qui ne sauraient être comparées quand on s’en tient
aux quelques éléments généraux de présentation révèlent des parentés
inattendues. Au culte des différences, ces pages préfèrent la reconnaissance
des enjeux communs, qui font que dans telle ou telle forme, c’est bien de la
poésie qui naît. Il ne déplaît pas au critique qu’une esthétique ici se
faufile, et s’élabore en s’essayant, chemin faisant, en compagnie d’excellents
guides. C’est Marie de France, prouvant qu’il n’est pas de passé poétique,
puisqu’un vers produit sa détonation par-delà les siècles et les modulations
de la langue. Ce sont les poètes emprisonnés par la dictature grecque dans les
camps de Makronissos qui lui ont révélé qu’ « Écrire l’instantané, c’est se
tenir au plus près de l’émotion passagère, mais c’est aussi [pour eux] faire
le choix du bref comme d’un format critique, en prise directe avec l’Histoire,
son désarroi et ses colères. ». C’est en comparant le carnaval parisien de mai
1968 à la splendeur des poètes tchèques dans la même période, qu’il a pu
comprendre que « Toute grande poésie est hérétique, blasphématoire, et si l’on
veut dissidente ; mais elle le doit moins à l’inscription de l’actualité
immédiate qui peut régulièrement la réclamer qu’à ce que Dominique Grandmont
appelle « le parti du réel contre celui de la réalité ». Ce sont enfin
quelques vers brefs de Sandro Penna (sans doute, avec Racine, Arun Kolaktar et
Anna Akhmatova, l’un de ses poètes préférés dans cette exploration pourtant si
diverse) qui l’ont convaincu qu’il avançait dans la compréhension du bref
trait de foudre qui arrache à soi, quand on le découvre, surgi de la page,
tout palpitant et cuivré, comme un poisson fraîchement sorti de la nasse.
Autant de banalités, peut-être, pour des esprits plus théoriques (ils sont
foison !). Mais qui tirent leur valeur, à ses yeux, de n’être pas des
déclarations préalables, mais des explicitations de ce qui joue dans les
textes, et que les textes prouvent. Car que vaudrait une vérité, demande sans
cesse la poésie, qui ne serait pas éprouvée ? Olivier Barbarant a publié
plusieurs ouvrages, notamment de poésie, dont l'un, Odes dérisoires et
quelques autres un peu moins, a reçu le prix Tristan-Tzara. Tous sont publiés
aux Editions Champ Vallon. Une anthologie Odes dérisoires et autres poèmes
(anthologie) est parue dans la collection «Poésie/Gallimard» en 2016. Il a
également dirigé la publication de l'œuvre poétique d'Aragon dans la
Bibliothèque de la Pléiade. En 2019 son recueil Un grand instant a reçu le
prestigieux prix Apollinaire. En 2012, il est nommé inspecteur général de
l'Education nationale dans le groupe Lettres2. En 2013, il est nommé
correspondant académique de l'IGEN pour l'académie de Reims3. Il est depuis
2018 Doyen du grouppe des Lettres.
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