La grande braderie, Comment l'Église se bat pour éviter la faillite
EAN13
9782213654621
ISBN
978-2-213-65462-1
Éditeur
Fayard
Date de publication
Collection
Documents
Nombre de pages
168
Dimensions
23,5 x 15,3 x 2,3 cm
Poids
245 g
Langue
français
Code dewey
230
Fiches UNIMARC
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La grande braderie

Comment l'Église se bat pour éviter la faillite

De

Fayard

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© Librairie Arthème Fayard, 2011.

Couverture : création graphique © un chat au plafond

photo © Mellimage/

ISBN : 978-2-213-66453-8

Introduction

Un mouvement vaste et souterrain est en train d'ébranler les fondations de l'Église de France. Dans tout l'Hexagone est mise en vente, avec discrétion, une grande partie de son patrimoine immobilier : couvents, séminaires, bâtiments divers. Les églises elles-mêmes ne sont pas concernées par cette grande braderie, car pour la plupart, depuis la fameuse loi de 1905, elles sont la propriété de l'État. Les biens à vendre sont les appartements, les immeubles et les maisons légués au fil des siècles par les fidèles et qui constituent l'immense richesse patrimoniale de la France catholique, « fille aînée de l'Église ». Se joue ainsi en secret le dernier acte de la déchristianisation à l'œuvre depuis plus d'un siècle.

Le but : éviter une éventuelle, et probable, faillite. Cette banqueroute s'explique par la raréfaction des fidèles et la crise des vocations, deux facteurs qui induisent de lourdes charges salariales et matérielles. L'Église se voit en effet contrainte d'employer de plus en plus de laïques en tant que diacres ou à des postes administratifs afin de pallier le manque de prêtres. Mais cela lui coûte bien plus cher et accroît de manière importante et pérenne ses charges de fonctionnement. Pendant des années, l'omerta a régné sur cette réalité, comme si l'Église avait oublié, ou omettait de considérer, qu'elle était aussi une institution, voire une entreprise, presque comme les autres, et donc soumise à la loi des bilans comptables. « Notre problème, c'est que l'on croit toujours que l'on a l'éternité devant nous. C'est vrai sur le plan spirituel, moins sur le plan matériel... », reconnaît à mots couverts une éminence.

Aux quatre coins du pays, dans chaque diocèse, des biens de l'Église sont à vendre ou ont déjà changé de mains. Qu'on en juge par une poignée d'exemples : à Lyon, le grand séminaire qui formait les prêtres est transformé en résidence de luxe. À Paris, une congrégation a vendu pour la somme record de 66 millions d'euros un hôtel particulier à l'émir de Bahreïn. Un ancien hospice des Petites Sœurs des pauvres situé dans le XVIe arrondissement va devenir une maison de retraite haut de gamme. Dans l'Ouest, d'anciennes cliniques congréganistes sont rachetées par des groupes privés. Ces transactions brassent des sommes colossales. À l'inverse, dans de nombreux diocèses « pauvres », comme celui de la Nièvre, les économes diocésains ont du mal à équilibrer leurs comptes. Dans le monde des soutanes, on reconnaît officieusement être obligé de vendre, mais on n'admet pas volontiers pour autant que le panier est percé. Un diplomate français en poste à Rome, fin connaisseur des arcanes de l'Église, nous confie : « L'Église est en train d'organiser une retraite au sens militaire du terme. Elle se replie en bon ordre pour éviter la Berezina. Elle doit faire face à un phénomène historique. Les évêques n'aiment pas trop évoquer ce sujet publiquement. Mais en privé ils confient que ce thème est celui qui les tracasse le plus. » Cette enquête entend décrire ces soldes secrets, en décryptant les luttes de pouvoir qu'ils suscitent.

« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église », dit l'Évangile. Or justement une formidable bataille est en cours pour le contrôle de la « pierre » de l'Église, un peu plus d'un siècle après le vote en 1905 de la loi de séparation de l'Église et de l'État, au lendemain de laquelle la première a vu la plupart de ses immeubles passer aux mains du second. Ce livre n'a pas pour ambition de recenser de manière exhaustive l'ensemble de ce patrimoine, ce qui nécessiterait une armée de moines copistes. Il s'agit simplement ici de mettre au jour un phénomène de société méconnu et de grande ampleur. Des promoteurs immobiliers ont des visées sur de vastes bâtiments consacrés, disponibles en plein centre-ville et d'une valeur considérable. Des groupes privés actifs dans les établissements médico-sociaux rachètent d'anciens couvents et les transforment en cliniques ou en maisons de retraite. Et les « réseaux catholiques » œuvrent à faciliter ces opérations. Un nouveau business émerge autour de la restructuration des biens de l'Église, y compris au sein de l'enseignement catholique.

L'opacité de l'Église

La première difficulté à contourner lorsqu'on s'intéresse aux comptes de l'Église tient à leur dispersion. Comment s'y retrouver entre paroisses, diocèses, congrégations, comment avoir une vue surplombante des biens d'une institution aussi éparpillée ? « Percer le mystère des richesses de l'Église ? Vous n'y pensez pas, c'est beaucoup trop compliqué. Les informations sont émiettées en de multiples sources, rien n'est centralisé. » Cette phrase m'a été répétée à de nombreuses reprises au cours de l'enquête. Aucun corps de l'État – ni la Cour des comptes, ni le Conseil d'État, ni le bureau des cultes du ministère de l'Intérieur – ne dispose d'une synthèse exacte des biens de l'Église. Loi de 1905 oblige. Il est donc assez difficile de cerner avec précision l'étendue de ces biens, mais on peut lever un bon coin du voile.

Au départ, on est vite confronté à deux discours tout faits et aussi erronés l'un que l'autre. D'une part, on nous offre le tableau d'une Église extrêmement pauvre, voire misérable, conforme à l'image pieuse issue de l'Évangile. D'autre part, on fantasme sur les richesses secrètes qui s'amasseraient dans les coffres du Vatican et se chiffreraient en milliards. Dans le premier camp se trouvent certains dirigeants de l'Église de France, qui ont tendance à insister sur leur pauvreté. « Les supposées richesses de l'Église, c'est vraiment le fantasme par excellence, qui date d'avant la Révolution française. En vérité, l'Église arrive à peine à joindre les deux bouts », nous assure Jean-Michel Coulot, administrateur financier du clergé à la Conférence des évêques de France. Dans le second camp, nombre d'anticléricaux et d'amateurs de théories du complot en tout genre. Et les Français ? Selon une enquête d'opinion, ils sont 52 % à affirmer que « l'Église est riche », 44 % à désapprouver cette assertion, et 4 % s'avouent « sans opinion ». Dans ce même sondage, les Français estiment à 70 % que « l'Église catholique ne parle pas en toute transparence de sa situation financière ».

Mais qu'entend-on précisément par « Église » ? Outre les diocèses, dirigés par des évêques et dont dépendent les paroisses, ce terme regroupe des milliers d'associations cultuelles catholiques. Or ces dernières détiennent de très nombreux biens immobiliers – des écoles, des couvents, des terrains ou des immeubles. Il n'existe pas de centralisation de ces données éparses. « La famille catholique dans son ensemble représente un gigantesque maquis associatif... Moi-même, je ne m'y retrouve pas », nous dit un des grands argentiers du clergé. La grande braderie en cours touche de plein fouet ce « maquis » dans lequel l'enquête nous fait pénétrer.

Ces institutions, ces associations et ces transactions sont menées par des hommes – et quelques femmes – que nous allons croiser, notamment l'influent Bertrand de Feydeau, ancien directeur d'Axa Immobilier, qui se trouve au cœur des transactions du diocèse parisien. Nous rencontrerons aussi l'étonnant prêtre et promoteur lyonnais Bernard Devert, apôtre du logement social ; l'opiniâtre économe du diocèse « pauvre » de Nevers, Marie-France Guignard, qui se bat pour empêcher ses clochers de faire faillite ; l'intrigant père Luc Crepy, « commissaire pontifical » du Vatican, en mission secrète pour superviser la vente d'un hôtel particulier de prestige appartenant aux Filles du Cœur de Marie, ainsi qu'un ancien militaire, Gabriel Marraud des Grottes, qui fait fortune en transformant les trésors des « petites sœurs », tandis que certaines d'entre elles n'hésitent pas à aller devant les tribunaux pour défendre leur pension de retraite !
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