Librairie Coiffard ..

Conseillé par (Libraire)
26 octobre 2017

Conseillé par Frédérique

Il y a cinq personnages dans ce roman, comme les cinq rivières qui se rassemblent là où a été édifié Salisbury, et ce soir là ces cinq personnes vont se retrouver partie prenante d'un banal accident de voiture : leur destin en sera infléchi.

Il y a Georges, un vieux monsieur qui vient juste de perdre son épouse après 40 ans de mariage et qui se retrouve seul dans sa ferme complètement déboussolé. Sam, un jeune garçon amoureux et timide, perturbé par la grave maladie de son père tout juste annoncée, Rita, la fleuriste de la place, dealeuse d'herbe à ses heures solitaires, Alison, femme de militaire au foyer qui doute de la consistance de son existence, et Liam, qui pourrait bien être le narrateur, et qui pour d'obscures raisons et une appétence évidente pour la solitude est gardien de nuit du château en ruine en haut de la colline.

Dans ce roman choral, nous entendons tour à tour ces cinq voix qui tirent le fil de leur vie minuscule pour nous en faire un récit touchant, triste et mélancolique. Son écriture lente et ciselée interroge la vacuité de l'existence, les ponts entre les vies, entre les gens et la lumière qui apparaît toujours finalement entre les nuages au moment où l'on ne s'y attend plus.

Conseillé par (Libraire)
17 octobre 2017

Conseillé par Marie-Laure

« La fille à histoires » ou comment Irène Frain est devenue écrivain. Dans ce très beau livre intimiste, elle revient sur sa relation compliquée avec sa mère qui justement lui en racontait souvent, des histoires.
Ce n'est pas la première fois que la romancière bretonne écrit sur sa famille. On pense notamment à « La Maison de la source » (Fayard, 2000) ou encore « Sorti de rien » (Seuil, 2013) dans lequel elle retraçait le parcours de son père. Dans son dernier ouvrage, elle a choisi de raconter cette relation très particulière qu'elle avait avec sa mère, mais surtout elle explique comment le rejet de la femme qui l'a mise au monde a fait d'elle un écrivain. Irène Frain n'était pas une enfant désirée. Sa mère avait appris qu'elle n'était pas le grand amour de son mari et ce sentiment d'amertume et de colère a rejailli sur cette petite fille. Irène Frain n'était pas une enfant qui devait vivre. Elle est une miraculée. Son prénom Irène est une pitoyable vengeance de sa mère. Dès sa naissance, la vie d'Irène ressemble à celle d'une héroïne de roman du XIXe siècle. Sauf qu'elle prendra très vite les commandes ; les histoires c'est elle qui va les faire, c'est elle qui va les écrire. Sa mère était une femme qui racontait toujours des anecdotes, des commérages. Elle embellissait, extrapolait, exagérait selon ses envies. La jeune Irène, dans un souci de se rapprocher de sa mère ou tout simplement tenter de comprendre ce désamour, restait suspendue à ses lèvres. Sa mère lui a donné le goût des histoires, faisant d'elle une « fille à histoires ». Il ne s'agit pas pour Irène Frain de faire le procès de sa mère, il faut écrire pour tenter de la justifier, non la condamner. L'écriture de ce livre est certainement une forme de thérapie pour l'auteure. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si elle choisit cette citation de Michel Butor pour exergue : « Écrire, c'est détruire les barrières. » Irène Frain brise un tabou, celui d'une mère qui ne réussit pas à aimer l'un de ses enfants. Un récit touchant et très personnel de la fille dont on aime tant les histoires.

© Revue Page des libraires, n°186 – Automne 2017

24,95
Conseillé par (Libraire)
12 octobre 2017

Conseillé par Antoine

Dans une ambiance au gris fusain, aux lignes d'encre noire, et aux touches de rouge et de sanguine, Chloé Cruchaudeau nous plonge dans "Mauvais genre" dans une ambiance vieillie et mystérieuse. Le ton est solennel et judiciaire au début. La cour entame le procès de Louise Landy et Paul Grappe. Quel mystère! De quoi sont-ils accusés? On nous parle tout de suite d'exhibitionnisme...
Alors sur les traces de ce couple au destin hors normes, le lecteur sera embarqué dans une aventure d'après guerre (la première) où l'identité de Paul sera cachée. Mais par quels moyens?
Une histoire passionnante qui soulève des questions plus complexes qu'en apparence.

Conseillé par (Libraire)
12 octobre 2017

Conseillé par Antoine

Une bande dessinée qui nous apprend énormément de choses sur la guerre d'Algérie, en détails, étapes après étapes, pour nous faire comprendre la montée en puissance des atrocités commises, les répressions faisant suite aux attentats, les camps d'internement, les négociations, les réformes lancées. Tout un contexte historique disséqué et très justement expliqué par Benjamin Stora, spécialiste de l'histoire du Maghreb, et lié à l'histoire de l'Algérie par sa propre histoire familiale.

Les dessins de Sébastien Vassant nous font découvrir ou redécouvrir les prise de parti des personnalités de l'époque, Sartre, Beauvoir, Camus, Germaine Tillion. Mais aussi les événements marquants, depuis les origines du conflit, les massacres de Sétif en 1945, à la fin de la guerre d'Algérie en 1962.

Une bande dessinée importante pour mieux comprendre et connaître cette histoire qui est une histoire partagée et dont les traumatismes demeurent jusqu'à aujourd'hui.

17,00
Conseillé par (Libraire)
22 septembre 2017

Conseillé par Marie-Laure

L'écriture est thérapeutique, on le sait. Dans ce court récit, la poétesse colombienne Piedad Bonnett veut tenter de surmonter l'insurmontable : la mort de son fils.

Piedad Bonnett a perdu son fils Daniel alors qu'il n'avait que 28 ans. Cette mort est d'autant plus terrible que Daniel s'est jeté du toit de son immeuble. Il luttait depuis des années contre des démons intérieurs, une maladie dont on préfère taire le nom : la schizophrénie. Raconter Daniel, c'est bien sûr une façon de faire son deuil mais c'est aussi essayer de comprendre sa folie, se l'expliquer et d'une certaine façon, de la dompter. Cette folie aurait été provoquée par ce fameux médicament contre l'acné. En grande poétesse, Piedad Bonnett choisit soigneusement ses mots ; elle sait comment faire passer l'émotion tout en faisant preuve de pudeur et d'élégance ? Elle n'hésite pas à convoquer les plus grands écrivains, ceux qui ont utilisé la plume pour apprivoiser la mort ou la folie : Vladimir Nabokov, Raymond Carver, Javier Marías et bien d'autres. Elle reprend cette phrase de Juan José Millas : « L'écriture cautérise les blessures au moment même où elle les ouvre. » Cette citation dit l'essence même de cette entreprise littéraire. Avec ce texte, Piedad Bonnett se fait violence et panse ses blessures. « Ce qui n'a pas de nom » est un récit qui prouve à lui seul combien la littérature est nécessaire.

© Revue Page des libraires N°185 – Rentrée littéraire