Bouh

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Je partage mon temps entre la fin de mes études en finance et la lecture, ma grande passion.

Grande amatrice de littératures américaine et française du 20ème siècle, j'apprécie également beaucoup la littérature japonaise que je souhaite mieux connaître.

Dans ma bibliothèque idéale, j'y inscris tous les livres que je souhaite un jour lire. Si vous voulez me faire un cadeau, vous savez où piocher ;)

Je tiens un site Internet sur la littérature LecteursCompulsifs.com sur lequel je critique mes lectures et parle de l'actualité littéraire. Je suis également membre du club de lecture de la librairie Dialogues.

Conseillé par
19 mai 2010

Peu connu en Europe, voire même complètement anonyme en France, John Cheever fait néanmoins partie de ces grands écrivains nord-américains issus d’une longue tradition, celle des John O’Hara et autres Sinclair Lewis, celle de ces hommes au regard acerbe, extrêmement critiques sur l’état d’une société en pleine déliquescence.

Les lumières de Bullet Park s’organise autour de deux récits bien distincts et néanmoins complémentaires, qui se rejoignent – bien entendu – au cours des toutes dernières pages du roman.

Le lecteur se retrouve tout d’abord immergé dans le quotidien de la famille Nailles (« clou » en anglais). Eliot et son épouse Nellie forment un couple modèle, à l’image de ceux qu’affichaient les pages de réclame du magazine Life de l’époque. C’est du moins au travers du prisme offert par la représentation du rêve américain que l’on s’imagine l’existence paisible et néanmoins un tantinet ronflante des Nailles, hélas englués comme tant d’autres dans la monotonie de Bullet Park. Jusqu’au jour où leur unique fils, Tony, tombe gravement malade et refuse de quitter son lit pendant de longs mois, sans que personne ne puisse comprendre de quoi souffre réellement le jeune homme.

C’est alors qu’entre en scène Paul Hammer (littéralement « marteau » en anglais), dont la vie à la fois étrange et fascinante nous entraine dans un grand périple entre les États-Unis et l’Europe, dans une quête existentielle aussi mélancolique qu’attachante. Un homme au parcours chaotique, lui aussi plongé dans un mal de vivre inexplicable, comme Tony, et qui cherchera à exorciser ses démons en s’installant à Bullet Park.

Vous vous en doutez déjà, le marteau et le clou vont finir par se croiser, au travers d’une rencontre qui précipitera le drame final.

Comme Richard Yates ou John Updike, John Cheever expose de manière crue et sans détour le malaise collectif des classes moyennes étasuniennes, ainsi que l’aliénation des banlieues pavillonnaires dans lesquelles viennent se perdre des centaines de couples écrasés par le conformisme. En s’attaquant à la vacuité de vies formatées au possible, Cheever révèle au grand jour les nombreuses frustrations engendrées par une misère relationnelle et sexuelle, qui finissent par gangréner un monde sans saveur, sans odeur, sans folie, et – on serait tenté d’ajouter – sans vie.

Un excellent roman, sans doute pas aussi indispensable que La Fenêtre Panoramique ou Le Démon, mais qui mérite de figurer en bonne place dans votre bibliothèque.

Une critique des LecteursCompulsifs.com

suivi de La marche à l'étoile

Le Livre de poche

Conseillé par
19 mai 2010

Superbe !

Vercors est un des plus célèbres résistants français de par son activité littéraire, qui le mènera à écrire des textes sur cette douloureuse époque et à co-fonder clandestinement Les Éditions de Minuit. Le Silence de la mer est son œuvre la plus connue et un des textes de référence sur la Résistance française.

En 1941, un officier allemand s’installe de force chez deux Français, un homme et sa nièce. Ces derniers décident, par un simple échange de regards, de ne pas adresser à la parole à cet ennemi. L’Allemand, pourtant, se montre tout à fait poli et engage à chaque fois la conversation. Il parle de son amour de la France et des grands projets d’après-guerre qui uniront les deux pays à tout jamais. Et tous les jours, il revient au coin du feu, dans la même pièce que ses hôtes, pour leur parler.

Le texte, publié en 1942, est simple mais très fort. Cette résistance passive à l’ennemi, ce silence pesant, apportent une émotion indéniable qui touche profondément le lecteur. Les Français sont bloqués par cet Allemand qui envahit leur espace. On croirait qu’il leur est alors impossible de faire quoi que ce soit. Justement, ils ne vont rien faire. Ce silence profond va les unir. Vercors va donc utiliser la danse des gestes, des regards, pour montrer toute l’humanité des personnages.

La nouvelle fait preuve d’une ouverture d’esprit peu commune à l’époque. Alors en pleine guerre, prendre du recul et reconnaitre que l’ennemi d’en face est aussi un être humain sont deux choses difficiles à admettre – ce qui est absolument compréhensible. En peignant le portrait d’un Allemand cultivé, esthète et agréable, Vercors ne diabolise plus l’ennemi. Le lecteur arrive même à sentir la sympathie croissante des hôtes, et même l’attirance de la nièce pour ce jeune homme.

Il y a également sept autres nouvelles dans ce recueil, dont La Marche à l’étoile, un vibrant hommage à son père, Louis Bruller, juif de Hongrie, venu s’installer à Paris au début du siècle.

Pensez à ce petit livre lors de votre prochaine visite chez le libraire. Pour 4€, vous lirez de très beaux textes, émouvants et terriblement justes.

Une Critique des LecteursCompulsifs.com

le roman d'un rêveur américain

Le Livre de poche

Conseillé par
19 mai 2010

Petit livre, texte lourd

Steven Millhauser s’est fait connaître du grand public grâce au prix Pulitzer 1997 décerné pour le roman Martin Dressler ou le roman d’un rêveur américain, bien après avoir commencé à écrire.

L’histoire du roman prend place à la fin du 19ème siècle, dans un New York où tout est possible. Martin Dressler est le fils d’un gérant de magasin de tabac et déjà très jeune, il traine dans les rayons, conseille les clients et prend goût au monde du business. A 17 ans, il monte son premier magasin – de cigares – dans le hall de l’hôtel dans lequel il travaille. Cette initiative lui mettra le pied à l’étrier et au fil des années, il ouvrira des hôtels et des restaurants dans toute la ville.

Plusieurs soucis se sont rapidement présentés à la lecture du roman. L’écriture est d’une lourdeur impensable. Les phrases sont longues et l’auteur (ou le traducteur ?) a oublié l’intérêt du point dans un texte : des pauses. Ainsi, pour résumer grossièrement, il y a une phrase par paragraphe ; j’ai même vu une phrase qui faisait les 2/3 de la page. Combien de fois ai-je dû reprendre le début du paragraphe de la phrase car en la finissant, j’en avais oublié le début ? Je n’ai pas compté, mais je peux vous dire : un bon paquet.

Ensuite, sur le fond, l’idée de départ est plaisante mais n’a pas été bien exploitée à mon goût. Cette histoire de self-made man, très caractéristique de l’époque ou en tout cas, de l’image qu’on en a, est restée en surface. Tout va bien pour Martin Dressler, un peu trop même, dès le début. On n’arrive pas à ressentir le challenge qu’une telle entreprise doit être. Il n’est pas en train de monter un stand de crêpes en bas de chez lui, il monte un empire tout de même !

Finalement, la seule profondeur est apportée par la rencontre de Martin Dressler avec deux sœurs ; il va vouloir épouser l’aînée – beaucoup plus jolie – alors qu’il s’entend beaucoup mieux avec la seconde. C’est bien ce volet de l’histoire qui est le plus intéressant, car le lecteur suit un Martin donnant une image forte, mais pourtant animé par le doute et peut-être même, par le remord.

Je pense être passée à côté du livre et du message qu’a voulu transmettre l’auteur. J’attends de lire vos commentaires pour comprendre ce que j’ai raté, parce que c’est quand même un Pulitzer !

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Une enquête du Père Brown

Omnibus

30,00
Conseillé par
19 mai 2010

Voilà réunis, pour le prix d’un seul, plusieurs ouvrages publiés de façon bien distincte (L’Innocence du Père Brown, La Sagesse du Père Brown, etc.), soit près de mille deux cents pages au total. Une excellente initiative des éditions Omnibus, dont on soulignera au passage le travail, consistant principalement à faire revivre des auteurs plus ou moins tombés en désuétude.


L’écrivain anglais Chesterton, également réputé pour ses chroniques journalistiques acides et son humour décalé, nous plonge avec plaisir dans les tribulations quotidiennes d’un curé débonnaire, bon vivant, bien connu dans sa petite paroisse de l’Essex pour son amour des mystères en tous genres. On retrouve également les diverses caractéristiques qui ont si souvent fait le succès des nombreux classiques du genre : des intrigues criminelles rondement ficelées, des coupables impossibles à soupçonner jusqu’au dénouement final, des détails comme s’il en pleuvait, ainsi qu’un raisonnement implacable tant par sa logique que par son apparente facilité.

Si Gilbert Chesterton ne s’est certes pas imposé comme un auteur majeur de la littérature policière internationale, sa notoriété outre-Manche demeure encore à l’heure actuelle presque aussi importante que celle dont bénéficient Arthur Conan Doyle et Agatha Christie.

La principale force et originalité de ce volume réside à n’en pas douter dans la touche d’humour apportée par le personnage central, un homme d’église aux antipodes des stéréotypes du genre (cf Frère Cadfael d’Ellis Peters), dont la bonhomie et la silhouette rondouillarde séduiront rapidement les inconditionnels du genre.

Alors oui, vous serez implacablement déçus si vous pensez trouver une once de profondeur et / ou de philosophie ici, mais les moins tatillons se plongeront avec passion dans un recueil qui possède le mérite de tenir le lecteur en haleine, et ce jusqu’à la toute dernière page.

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Conseillé par
19 mai 2010

Superbe roman

Jim Harrison fait modestement partie de ces grands écrivains américains qui ont marqué plusieurs générations par leur plume magnifique. Il appartient à ce genre, ce mouvement littéraire à part entière qui est celui du Montana. L’influence de cet état sur les auteurs qui y sont d’origine est immense. Grands espaces, nature, la pureté du contexte permet aux écrivains de se pencher sur l’humanité de leurs personnages, sur le pourquoi de leur vie.

Le livre édité par 10/18 respecte la publication initiale du livre, puisque deux autres petits romans, Une vengeance… et L’homme qui abandonna son nom accompagnent Légendes d’automne. Si les histoires en elles-mêmes sont différentes, elles possèdent néanmoins de nombreux points communs : les récits sont ceux d’hommes qui seront amenés à se venger et à accéder ensuite à la rédemption. Ces hommes virils, quelques fois décriés comme machistes, sont en fait des personnages reprenant le mythe du héros, avec toutes les qualités qu’on lui connait.

Le premier roman, Une vengeance…, commence par la découverte dans le désert mexicain d’un homme laissé pour mort et dans un état critique après avoir été battu. Très mal en point, il est amené à la clinique locale et est soigné pendant des mois avant de pouvoir enfin recommencer à vivre normalement. Seulement, Cochran – son petit nom – n’oublie pas cette agression et va vouloir rattraper le passé.

L’homme qui abandonna son nom prend place dans un autre univers, celui calfeutré d’une famille aisée. Nordstrom, le père, a épousé la lycéenne qui le faisait rêver adolescent, mais après 18 ans de mariage et une enfant, le couple décide de se séparer. La quarantaine passé, il va se remettre en question.

Enfin, le dernier petit roman, Légendes d’automne, est le récit de trois frères originaires du Montana qui s’en vont en guerre en Europe au début du 20ème siècle. L’un d’eux ne reviendra pas et Tristan, le second, restera à jamais marqué par cette disparition. Il quittera sa famille pour faire le tour du monde pendant des années.

L’écriture de Jim Harrison approche de la perfection, par une maîtrise totale de son texte et des mots. Précise et concise, sa narration dépeint avec justesse des personnages profonds, à qui on a enlevé trop brusquement quelque chose qu’ils veulent absolument récupérer. La violence décrite par Jim Harrison sert simplement à la dénoncer. Les gens veulent se croire civilisés, mais ne le sont pas, et l’auteur n’hésite pas à le montrer à son lecteur.

Un très beau livre, avec trois textes superbes, magnifiquement bien écrits. Un coup de cœur, sans hésiter !

Une critique des LecteursCompulsifs.com