Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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16 novembre 2015

Un roman qui débute bien, très bien même. Le premier chapitre est puissant et prometteur : "Accroupie et grelottante, je pisse dans la litière de mon chat. Là où il y a le plus de gravillons pour faire le moins de bruit possible, terrorisée à l'idée que mes parents pourraient se réveiller, entrer dans ma chambre et tomber sur ce spectacle navrant. "Elle est vraiment folle !", cette fois, ils en seraient convaincus." (p.7) La suite oscille entre des chapitres tout aussi forts que ce premier et d'autres moins bons, longs même et certains dont on se demande comment ils ont atterri dans ce bouquin, ce qui donne parfois à l'ensemble une construction artificielle et lui ôte une partie de sa profondeur. Plus quelques références de presse féminine que je n'ai pas, ce qui n'est que gênant parfois mais pas rédhibitoire. Voilà pour mes impressions. Pour résumer c'est un roman qui aurait pu être excellent, fort, puissant et qui est bon voire très bon dans certains passages mais qui ne passe pas la barre du livre pour lequel je m'enflamme et m'enthousiasme.

Florence est un beau personnage, cinquante-deux ans, pas de mari, pas d'enfants, tout cela à cause de son histoire personnelle. Très indépendante, elle se questionne sur sa solitude, multiplie les aventures, a une liaison depuis trois ans avec un homme marié, un écrivain, attire plutôt les hommes plus jeunes qu'elle. On sent qu'après trente ans de brouille familiale, elle aimerait renouer avec les siens : sa mère venant de mourir il lui reste son père et ses deux sœurs nettement plus âgées qu'elle. Il est temps pour elle d'éclaircir les zones sombres de sa famille pour vivre. Elle se heurte bien sûr aux silences et incompréhensions des autres.

Beaucoup de belles pages sur le passage de la cinquantaine, sur l'amour à cet âge, le désir, la séduction. Je trouve intéressant que ce soient des hommes jeunes (trentenaires) qui draguent Florence, dans les romans et les films, ce sont souvent les hommes aux tempes grises qui ont des femmes ou des amantes de trente ans... La relation père-fille telle que la traite Roselyne Madelénat me plaît moins, disons qu'elle ne me paraît pas crédible, je n'y crois pas une seconde, pas assez construite, trop soudaine... Cette soudaineté est peut-être envisageable, mais pour mon caractère un rien solitaire et peu enclin aux retrouvailles et rapprochements aussi rapides, elle est difficile à envisager. Certaines longueurs auraient pu être évitées à certains endroits pour permettre d'étayer un peu ces retrouvailles... Et ce secret de famille qui tarde à se révéler, on sent bien qu'il tourne autour des années de guerre, mais c'est confus et que de tours et détours pour y arriver.

Maladroit parfois, mais toujours sincère, c'est un roman qui gagne à être découvert, une écriture qui va au plus direct. Florence est touchante, agaçante, sympathique, chiante, obstinée et changeante, en plein désarroi, amoureuse, seule, ... tout cela à la fois. Pleine de contradictions, d'envie et de limites. Une femme qui à cinquante-deux ans veut profiter pleinement des nombreuses années qui lui reste. Tout ce qu'elle a vécu jusque là était étouffé par ses peurs, ses angoisses de petite fille. Enfin, elle peut s'ouvrir et se livrer, pour elle,la vie commence à cinquante-deux ans...

Tome 2 : Carnet de Croqueurs

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Jacques Ferrandez, Yves Camdeborde

Rue de Sèvres

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16 novembre 2015

Yves Camdeborde et Jacques Ferrandez poursuivent leur chemin à la rencontre des producteurs et artisans avec lesquels le cuisinier travaille, chemin entamé avec le tome 1 de Frères de terroirs, ici chroniqué. Et l'on repart nous aussi avec plaisir sur les routes de France, entre la Corse, le Béarn natal d'Yves Camdeborde, la Bretagne, le bassin d'Arcachon ... Et d'en apprendre sur le vin, les huîtres, le pain, le café, les cigares, le porc noir de Bigorre, les herbes fraîches, ...Un tour qu'on aimerait faire en vrai. En attendant, il est particulièrement conseillé d'embarquer à bord de ce reportage-bande-dessinée.

Je viens de lire coup sur coup J'ai vu la fin des paysans, d'Eric Fottorino qui parle des dérives de l'agriculture intensive, du mal-être des paysans, d'un sain retour espéré à des pratiques ancestrales de qualité ; Midi noir, de Patrick Valandrin qui sous forme de polar nous plonge dans le vignoble et ses pratiques désastreuses mais aussi des viticulteurs qui veulent encore faire des vins de qualité. Ces deux ouvrages pourraient faire liste commune avec cette BD-reportage tant ils se complètent et se répondent. Avec Y. Camdeborde et J. Ferrandez, nous voici dans la France des bons produits, des pratiques saines et naturelles qui donnent l'excellence pour tout ce qui concerne la boisson et la nourriture. Une belle part est faite au pain et au vin (je reçois volontiers des colis à la maison, voire même je peux me déplacer à la poste, pour toute dégustation, parce que franchement, la seule chose qui manque à cette BD, c'est de pouvoir goûter ; on a l'eau à la bouche du début à la fin).

Ce qui me réjouit, lorsque je lis ce genre d'ouvrages c'est d'abord la diversité des supports (essais, polar, BD, ...) et donc la diffusion plus large du message d'un retour aux bonnes choses. Ensuite, c'est de constater que de plus en plus de paysans s'installent ou reviennent à l'essentiel de leur métier : "Le vrai paysan, celui qui va s'adapter à la nature et pas demander à la nature de s'adapter." (p.70). Et enfin, c'est de voir que les AMAP (Association pour le Maintien de l'Activité Paysanne) augmentent, que les marchés ne désemplissent pas et que les circuits courts recommencent à fonctionner. Certes, une énorme majorité des achats sont faits dans les grandes surfaces où l'on étrangle les producteurs, et ça ne changera sans doute pas demain, mais l'espoir est permis.

Lecture salutaire, et puis retrouver le dessin de Jacques Ferrandez, c'est toujours un grand plaisir. Il me reste maintenant à aller goûter tout cela dans les établissements d'Yves Camdeborde, je ne sais pas s'ils sont à portée de ma bourse...

PS : quelques recettes accompagnent les pérégrinations des deux hommes, recettes qui m'ont l'air parfaitement succulentes.

Patrick Valandrin

La Différence

18,00
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16 novembre 2015

Nouveau venu dans le polar Patrick Valandrin tient là un bon personnage, à la fois agaçant et attachant. Le Jygue est un homme qu'on plaint, victime de son alcoolisme, qu'on aimerait secouer un peu en lui disant de se bouger, de se prendre en mains et de se faire soigner, et qu'on aime bien parce qu'il est sincère, emprunté, fragile et néanmoins impossible à faire bouger de sa ligne de conduite, opiniâtre malgré les embûches et les coups bas, il ne lâche pas tant qu'il n'a pas la solution à son problème, même s'il doit se mettre les puissants locaux à dos, un orchidoclaste (comme dirait HF Thiéfaine) pour ses supérieurs. Secondé et soutenu par Marjolaine Pamier, leur équipe est performante et marche là où d'autres n'osent pas mettre les pieds : le monde des affaires et de la politique. L'intrigue est placée dans le milieu viticole en pleines élections législatives, les dernières, celles où l'on donnait le Front National vainqueur dans tout le sud. Le député sortant, de droite Emmanuel de Cluny est un type imbuvable, qui n'hésitera pas à s'allier au FN pour gagner, qui ne veut pas prononcer le nom de celui qui a osé se présenter contre lui (tiens, tiens, ce dernier point me rappelle un battu de 2012 qui au mépris de tout respect si ce n'est pour l'homme au moins pour la fonction, ne nomme notre président actuel que sous "Moi je". La défaite est encore dure à avaler...). Les protagonistes sont tellement réalistes qu'on y croit à fond. De même pour les viticulteurs : entre les gros qui veulent faire du profit à tout prix et ceux qui font du vin de qualité, parce qu'ils adorent cela et qu'ils y croient. C'est un véritable plaidoyer pour le vin bio parce que dans ce domaine aussi, certains paysans se bougent et créent des vins absolument formidables et abordables (bon, je ne suis pas très connaisseur du vin de la région d'Avignon, mais si un viticulteur -un bio, je préfère, mais je ne suis pas sectaire- me lit, je suis preneur, je donne mes coordonnées sans souci...). Je baigne actuellement dans des lectures sur ce sujet à travers plusieurs supports et je trouve cela très intéressant : l'essai avec Eric Fottorino, le polar avec Patrick Valandrin et même la BD bientôt avec Yves Camdeborde et Jacques Ferrandez.

Mais comme il s'agit d'un polar, revenons à l'intrigue qui est assez classique, mais très bien amenée, le contexte et les personnages lui donnant un intérêt supplémentaire. Magouilles, chantage, corruption, escroquerie, paysages idylliques, personnages torturés ni tout-noirs ni tout-blancs, canicule qui fait monter les températures et les tempéraments...

Une bien belle collection que celle de La Différence noire -avec en plus des couvertures très réussies- qui publie là un polar excellent ; pour un premier essai, Patrcick Valandrin, se montre très doué.

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5 novembre 2015

Très belle idée que de placer un roman policier dans cette époque troublée : la Révolution a commencé depuis deux ans, mais le roi est encore là, et certains rêvent encore d'établir une monarchie constitutionnelle pendant que d'autres veulent revenir à l'ancien régime. Les manipulations sont légion, les arrangements, les pots-de-vins, les bassesses les plus extrêmes sont plus que courantes. Tout le monde manigance dans son coin, tellement le pouvoir en place est fragile. Danton et Mirabeau sont payés par Louis XVI pour son plan de corruption visant à retrouver le pouvoir. Marat écrit dans son journal, semble incorruptible et continue de dire très haut et très véhémentement ce qu'il pense du roi et de ceux qui sont au pouvoir. La belle Olympe de Gouges est aussi présente dans ce roman, en est un personnage avec un vraie place, on lit ses revendications pour la vraie égalité entre tous : le droit de vote des femmes et leur intégration dans la société à la même place que les hommes, de vraies mesures pour aider les pauvres isolés dans des quartiers sordides, la fin de l'esclavage...

Le contexte est formidable, je ne suis pas spécialiste de la période, je ne saurais dire s'il y a des anachronismes, des erreurs manifestes, Jean-Christophe Portes indique en fin de volume ses références bibliographiques, solides, ce que je sais c'est qu'il a su rendre un Paris vivant et grouillant, bruissant des intrigues du pouvoir mais aussi des pauvres qui n'en peuvent plus de s'échiner pour presque rien.

Et l'intrigue du roman me demanderez-vous ? Eh bien, elle est elle aussi solide, au début on ne la comprend pas trop, on avance au même rythme que Victor Dauterive, on sent bien qu'il y a lutte au plus haut niveau de l'État et que certains en profitent pour s'en mettre plein les poches, comme quoi, rien ne change... Et puis, on avance et se dessine encore autre chose, plus grand... mais je ne vous dirai pas. Franchement, je me suis régalé.

Mes deux seules réserves seraient sur un format qui aurait pu être un peu pus court, notamment dans la première partie qui se traîne un peu, mais une fois passée, le reste est excellent ; l'autre réserve est purement de mise en page, à savoir que lorsqu'on passe d'un personnage à un autre, il y a un interligne plus large, mais un petit symbole dans cet interligne serait une bonne idée.

Victor Dauterive est un jeune homme de dix-neuf ans, qui a fui une éducation plus que stricte et s'est retrouvé versé dans la nouvelle gendarmerie créée en février 1791 en replacement de la Maréchaussée. Il a la fougue de son âge mais aussi la maladresse et une certaine naïveté liées également à sa jeunesse. Il tombera dans des pièges grossiers, se fera rosser, enlever, doubler... C'est un nouveau venu bien sympathique qui change des enquêteurs qui devinent tout, sont totalement blasés et ne tombent que rarement dans les traquenards. C'est un personnage qui demande à s'épaissir, qui s'épaissira sûrement au fil de ses enquêtes, puisqu'une série s'annonce ici avec ce premier titre. Sans doute lui faudra-t-il s'associer avec quelque collègue ou mouche de l'époque (= indic' de maintenant) pour prendre un peu d'envergure et se tirer de ce mauvais pas plus aisément. Une naissance de héros bien sympathique qui ne demande qu'à être suivie d'autres épisodes que je me fais déjà une joie de lire.

Pour plus de renseignements, n'hésitez pas à consulter le site de Victor Dauterive, voire même son compte facebook, et oui, un gendarme de 1791, ça vit aussi avec les réseaux sociaux.

Jacques Mazeau

Les Presses de la Cité

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30 octobre 2015

Sympathique ce polar. Pas révolutionnaire, mais agréable. Construction assez classique à plusieurs personnages, des rancœurs familiales, des haines, des jalousies, tous les ingrédients sont présents pour écrire un bon roman à suspense. Jacques Mazeau n'est pas un débutant, il sait donc y faire, nous tenir en haleine avec des révélations au compte-goutte, une histoire d'amour entre Céline et David et des secrets de famille et de villages bien cachés. Un peu bavard néanmoins, mais rien que ne soit insurmontable, disons que certains rappels, certaines répétitions, quelques descriptions auraient pu être évités, mais on les passe un peu plus rapidement et le tour est joué. Le plus de ce roman est qu'il est empli de personnages très opposés : les manipulateurs, les dévoués, les soumis, les innocents, les flics qui recherchent la vérité et se heurtent à un silence quasi général. David et Céline sont bien sympathiques, elle totalement bouleversée par ce qu'elle apprend de son père et par sa disparition et lui, troublé par son ex qui se révèle sous un autre jour et dont il est toujours amoureux. Leur histoire qui recommence est une grande partie de ce roman.

L'intrigue ne fait pas tomber du placard -mais d'ailleurs que ferions-nous au-dessus du placard ?- mais elle est habilement menée pour tenir jusqu'au bout avec l'envie de connaître son dénouement. Imaginez. Imaginez un samedi soir de pluie. Vous ne voulez pas sortir, il n'y a rien d'intéressant à la télévision. Ah si, une émission d'Arthur, non j'déconne "Arthur est intéressant" est un oxymoron. Par contre, il y a un téléfilm policier sur France 3. Pourquoi pas ? Ah oui, les acteurs sont bons, vous tentez le coup. Superbes paysages, accents rocailleux, tronches de locaux, etc etc... Au contraire de vos a priori, vous passez une excellente soirée, oubliez même le mauvais temps et la fraîcheur. Eh bien, ce roman c'est tout cela, rien de plus mais rien de moins. Alors tentés par une bonne soirée ?