Thierry C.

http://lesangnoir.wordpress.com/

«Acheter des livres serait une bonne chose si l’on pouvait simultanément acheter le temps de les lire.» Schopenhauer
Et à quoi sert la littérature?
Peut-être à essayer de vivre selon les nuances car la littérature est «maîtresse des nuances» disait Barthes.
La littérature «s'embarrasse» de nuances. Ne se sépare de personne.
Elle s’intéresse aux différences, aux subtiles différences, aux sensibles singularités.
Elle veut comprendre. Raconter. Regarder. Éclairer l’existence.
Teinter la vie. Sucrer, saler la vie.
La littérature aide à respirer. Reprendre souffle. A souffler, un peu. Sûrement!

Conseillé par
12 octobre 2011

Trotski intime.

On a tout dit, tout écrit, tout lu, tout entendu sur Trotski.
Du tout et du n’importe quoi. De quoi aveuglément le vénérer ou mécaniquement le haïr.
Trotski est une icône qui trône sur les étagères de l’Histoire avec un grand R comme Révolution. A côté du Che, de Mao ou de Spartacus.
Eblouis, certains se prosternent encore devant l’étalage...les genoux rouges de sang...
Après tout, Trotski n’est pas un Dieu mais un homme comme tout le monde, comme vous et moi...fait de bien et de mal...
Robert Sergent, spécialiste de l’histoire du communisme nous livre ici une somme inédite et passionnante de plus de cinq-cents pages sur un homme hors du commun. Un pavé dans la mare russe qui risque de faire grincer bien des dents chez les croyants-pratiquants du trotskisme.


Ce livre est aussi et surtout une histoire de la Russie : son fin de règne tsariste, ses révolutions et ses querelles intestines entre mencheviks et bolcheviks jusqu’à ses dictatures et ses terreurs.
Précisons : Trotski est resté honni jusqu’en 1988, l’année où Gorbatchev le réhabilite à titre posthume !
Résumons (est-il possible de résumer une vie si ardente ?).
D’origine juive, Leiba Bronstein, né en 1879 en Nouvelle-Russie, au sud de l’Ukraine, choisit à 23 ans le pseudonyme de Trotski.
La légende court encore sur l’origine de ce pseudonyme : il aurait acheté un passeport à un habitant d’Irkoutsk nommé Trotski.
Jeune étudiant, il se prépare déjà aux joutes oratoires en «potassant» «L’Art d’avoir toujours raison» de Schopenhauer. Il sera plus tard un orateur politique hors pair !
Piotr Garvi le décrit comme suit : «La lueur glaciale de son regard derrière son pince-nez, son timbre de voix, non moins glacial, la froideur de son discours parfaitement correct et tranchant, puisqu’il écrit comme il parle et enfin le soin exagéré qu’il apporte à son apparence extérieure, à sa façon de s’habiller et à ses gestes, tout cela créait un effet aliénant, répulsif même."
Prison, déportation et exil vont forger l’esprit combattant de Trotski jusqu’à la révolution de 1917.
Il prit une part active dans la révolution, toujours sur le terrain, au contraire d’un Lénine plus discret.
Adepte de la révolution permanente, il se retrouve vite isolé, banni par les léninistes et les staliniens. Tout cela finira mal, nous le savons : il sera assassiné en 1940, au Mexique par un agent de Staline.
Robert Sergent, enseignant à l’université d’Oxford, nous invite dans l’intimité de Trotski : son enfance et l’école, ses lectures et son talent
d’écrivain, sa famille, ses enfants et ses femmes.
Ce livre est vraiment exaltant à lire !

Jean-Jacques BONVIN

Éditions Allia

Conseillé par
11 octobre 2011

Le long du ballast.

Petite précision ferroviaire: «le ballast est le lit de pierres ou de graviers sur lequel repose une voie de chemin de fer».
Instructive et poétique définition du dictionnaire d’où émergent joliment des mots qui en disent long: «lit de pierres» et «repose».

Où repose-t-elle à présent la bande des quatre bohémiens?
Les cheminots Jack Kerouac, Allen Ginsberg, William S. Burroughs et Neal Cassady.
Sur un lit de pierres? De poussière? Le long d’une voie de chemin de fer? D’une voie lactée?
La Beat Generation, le road-movie, l’écriture spontanée, la drogue, l’alcool, les grands espaces américains, le jazz, la révolte contre l’argent et la violence... La vie à outrance, à toute allure, pied au plancher de la machine à écrire. L’outrance du trop: trop vite, trop fort, trop d’expédients... tous finiront mal... trop tôt!

Avec une ardeur communicative, Jean-Jacques Bonvin, ressucite, évoque, invoque ces écrivains des années cinquante qui couvent dans leurs mots et sous leurs pas les hippies, Woodstock et le psychédélisme.
L’auteur s’attache à Neal Cassady. Neal Cassady c’est le Dean Moriarty du livre de Kerouac, «Sur la route», la «bible» de tous les routards.
Neal Cassady élevé par un père alcoolique dans une sorte de cabane tordue à la Van Gogh va vite devenir un enfant terrible: vols de voitures, maisons de correction, prisons.
«Né sur la route dans une bagnole alors que ses parents traversaient Salt Lake City en 1926 pour gagner Los Angeles » écrit Kerouac.
A sa sortie de prison, il épouse LuAnne et veut apprendre la philosophie auprès de Ginsberg. C’est là qu’il va rencontrer Kerouac.
Cassady est un dur, une teigne. Collectionneur de voitures volées et de maîtresses, les deux intellectuels sont sous le charme.
Ensemble ils vont tailler la route...
Cassady, plus loin, épouse Carolyn Robinson et semble «rangé des voitures». Puis re-route, re-mariage, re-route, etc.
La vie brûlée par les deux bouts.
Pas de la petite chandelle vacillante... mais de l’explosif!
Avant de mourir de froid le long d’une voie ferrée, il fait connaissance avec un certain Bukowski! Comme les Etats-Unis sont petits!
Ce récit «hallucinant», au tempo emportant de Bonvin rend un hommage amoureux à ce diable de Cassady aux fourmis dans les jambes. L’entraînante écriture de Bonvin sur une version epub impeccable devrait combler les lecteurs.
Encore une belle découverte!
A lire à la belle étoile... en écoutant du bop!

PS: pour la nuit à la belle étoile sans pleine lune se munir de la petite lampe spécialement conçue pour les liseuses électroniques... cela va de soi!

«... les hommes en imperméable au petit matin, ceux du fisc un peu comptables, un peu flics, trop de femmes, trop peu de temps, les voitures qui versent et ce qu’il ne dit pas et qui le tuera, la benzédrine qui le conduira le long du ballast dans le petit matin mexicain.» écrit Bonvin.