Am Fred B.

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5 juillet 2020

Sommes-nous encore en train de dormir ?

Un jeune homme laisse sonner son réveil le jour de son examen. Il reste dans son lit. Il ne va pas au café. Il reste dans sa chambre à écouter les bruits des gens qui vivent autour de lui. Il se concentre sur tout ce que ressent son corps. Il traverse les jours et les nuits, enfermé dans l'espace de sa chambre et l'indifférence de Paris. Il cherche à s'effacer, à disparaître. Fatigue de soi, dépression, ascèse dans la perception, exercice de contemplation ? Ce narrateur nous appelle à faire l'expérience existentielle de l'immobilité et du silence, de la solitude humaine et d'une absurde force de vie. Un moment pour sortir de notre tristesse.

Anne-Marie

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25 juin 2020

Tromper les yeux, ouvrir des espaces

Comme d'hab, façon cow-boy sentimental, Maylis de Kerangal enfonce la porte d'une vie, d'un personnage et d'un métier, et fait circuler un grand courant d'air. Paula Karst quitte le cocon familial et va étudier la peinture du trompe-l’œil à Bruxelles. Elle entre peu à peu dans ce corps d'adulte, d'ouvrier, d'artisan, d'artiste et de femme, avec l'énergie, la passion, les doutes et les rebonds de la phrase. L'écrivaine doit peut-être à sa formation de géographe le goût d'ouvrir les espaces entre l'intime et le monde, le présent et le passé, le technique et le poétique. C'est une langue en mouvement, en quatre dimensions, qui saute les obstacles, tire des perspectives, trace des tangentes. Plus que la question de l'illusion, c'est celle de l’œuvre d'art qui court ici, à ouvrir des au-delà, des vies parallèles à imaginer, plus riches, plus vraies, plus fortes.

Anne-Marie

17,00
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24 juin 2020

Génération désenchantée

Le philosophe et sociologue résume dans ce bref ouvrage sa thèse volumineuse et éclairante, dans laquelle il décrit toute notre relation au monde sous l'angle de l'expérience de la résonance. Il ajoute ici une étape à sa réflexion : l'alternative au contact, à l'émotion et à la transformation intime suscitées par notre rencontre avec le monde, la nature, l'art et les autres, cela peut être aussi tout simplement l'échec. L'auteur fait de cette inaccessibilité d'un monde qui ne nous dit plus rien, qui ne nous parle plus, qui ne nous répond plus, la caractéristique même de la modernité, d'une société de consommation et de maîtrise, qui désire moins une relation qu'un objet. Il situe cette indisponibilité entre nous-mêmes et le monde à la source des frustrations individuelles, sociales et politiques qui minent nos démocraties. Nous souffrons moins, peut-être, de ce qui nous manque, que de ce que nous avons déjà et croyons posséder. Que faire de notre sentiment d'impuissance ?

Anne-Marie

8,90
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20 juin 2020

Hommage aux femmes discrètes - par l'auteur du "Liseur"

Olga traverse l'histoire du 20ème siècle dans la douceur, l'obstination et le silence. Le roman suit le parcours de cette orpheline d'origine polonaise, en butte aux préjugés sociaux et racistes d'une Allemagne envoûtée par un délire colonialiste, fasciste et génocidaire. La petite paysanne devient une institutrice engagée, une amante et une mère. Elle ne cesse de chercher à élargir le cercle de son existence, avec patience et détermination. Le récit de sa vie discrète se construit autour des projets fous de son amour de jeunesse, un aventurier disparu lors d'une expédition en Arctique, et se dénoue dans l'affection qu'elle tisse avec le narrateur, dont la rencontre avec cette dame si attentive bouleverse la vie.
Puissance de la douceur.

Anne-Marie

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14 juin 2020

Pavese est romancier et poète. Chez lui, les lieux sont presque des personnages. Corrado, le héros de "La maison dans la colline", vit réfugié dans les douces collines qui surplombent Turin, n’en descendant que rarement. Autour de lui, des partisans, les femmes qui l’hébergent, et Cate, son amour de jeunesse resurgi avec son fils. Nous sommes dans les années 40, les bombardements nocturnes font rougeoyer la ville, mais les collines semblent un monde préservé. Jusqu’à ce que l’Histoire -en l’occurrence, la chute de Mussolini- pousse les hommes à s’affronter plus durement. Corrado est peut-être le double de l’auteur, à qui on a reproché de ne pas s’être engagé dans la résistance. C’est un personnage d’entre-deux, pris entre partisans et fascistes, refusant de choisir malgré ses amitiés dans la résistance. Père sans en assumer la pleine responsabilité ; jouant un jeu parfois cruel avec son ancien amour. Ne choisissant jamais vraiment. Attentif non pas aux êtres mais aux joies sensuelles du monde, ces merveilleuses collines qui l’accueillent puis le chassent. Il cherche alors un lieu sûr, clos, loin des clameurs du monde.
C’est peut-être la grande (re)découverte de ce roman : que le monde est, à la fois, lieu de terreur et de tendresse, de désolation et de beauté. Et que les Hommes y sont pour quelque chose.

Frédéric