Le serpent blanc

Brigitte Duzan

Asiathèque

  • Conseillé par
    24 mai 2022

    Sun Likun, danseuse chinoise a sublimé par son interprétation la légende du serpent blanc. Cette légende raconte que deux esprits-serpents, le blanc et le vert ont pris forme humaine et féminine -une femme noble et sa suivante -et qu'un jeune homme a épousé la première. Lorsqu'il découvre sa vraie nature, il tente de la tuer, mais la femme retrouve sa forme serpent et s'enfuit. Sun Likun a remporté un tel succès qu'elle a dansé partout. Mais à la fin des années 60, elle est arrêtée et séquestrée par le gouvernement. Isolée, très pauvre, ne vivant que de mendicité, elle reçoit un jour la visite d'un jeune homme qui semble être haut placé.

    Ce roman est présenté dans la collection Novella de Chine de L'Asiathèque qui propose également l'excellent Sur le balcon de Ren Xiaowen.

    Il est écrit en trois formes distinctes, d'abord un rapport des autorités locales censées surveiller Sun Lukun, puis l'histoire vue par les personnes qui côtoient la danseuse et enfin, le récit de l'intérieur. Dès le début, le rapport officiel, une lettre au Premier ministre Zhou Enlai éclaire le lecteur sur les raisons de l'arrestation de Sun Likun, "classée élément bourgeois décadent, soupçonnée d'être une espionne internationale, déclarée séductrice contre-révolutionnaire sous des dehors de serpent" (p.15) Puis il y est fait mention de cet étrange visiteur "Revêtu d'un manteau militaire, le jeune homme en question avait une attitude arrogante et autoritaire et semblait avoir pas mal d'entregent." (p.16)

    Puis Yan Geling déroule son histoire dans cette période où vouloir être libre était mal vu en Chine, ce qui n'a sans doute pas beaucoup changé. La révolution culturelle voulue par Mao conduira à des millions de morts et d'arrestations arbitraires. Chacun surveille et est surveillé, ce que Yan Geling raconte bien, grâce aux rapports des autorités mais aussi grâce à l'histoire racontée par l'entourage de Sun Likun. Lorsque dans sa partie plus intime, on sent la soif de liberté de la danseuse, la difficulté d'être une femme en Chine dans les années 60/70 : "Dans quelles mesures vais-je pouvoir explorer les diverses voies qui s'ouvrent ainsi à moi ? Est-il possible de dépasser les limites d'une existence déterminée par les différences sexuelles entre hommes et femmes ? Même si on a un utérus et des ovaires, peut-on malgré tout choisir ?" (p.83) Des questions qui se posent encore de nos jours.

    Avec subtilité, Yan Geling, mèle l'histoire de la danseuse et la légende, l'actualise. C'est un très beau texte, parfois assez dur lorsqu'il décrit les conditions de vie de Sun Likun, mais cette femme ne se résigne pas, jusqu'au bout elle cherche à acquérir sa liberté et résiste au pouvoir autoritaire. Une autrice chinoise à découvrir dans ces belles traduction, maison d'édition et collection ainsi que présentation.