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    21 décembre 2012

    Suite et fin du dyptique d’Hal Duncan, qui signe avec « Le livre de toutes les heures » une œuvre ambitieuse et démesurée, qui sort des sentiers battus. Toujours aussi exigeant et difficile d’accès que son prédécesseur, « Encre » boucle le cycle de manière satisfaisante, les deux tomes étant de la même étoffe. Rien ne change donc véritablement dans cette suite et l’auteur reprend son schéma narratif alambiqué qui en déstabilisera plus d’un, mais en ébahira d’autres (les deux n’étant pas contradictoires !). On pourra regretter tout de même quelques longueurs (sur près de 1000 pages en poche, rien d’étonnant) et le fait que toutes les histoires narrées par l’auteur ne se valent pas toutes. Mais il faut tout de même reconnaitre le génie de l’auteur, qui semble à l’aise dans tous les registres…

    Comme c’était le cas dans « Vélum », « Encre » peut s’enorgueillir de revisiter de nombreuses références bibliques et mythologiques. Plus qu’un hommage, Hal Duncan se joue de ses légendes pour mieux nous présenter son interprétation de la face obscure de ces écrits. Ce que l’on peut voir de prime abord n’est jamais ce que l’on croit, et l’auteur use de ces faux-semblants qu’il s’empresse de détruire pour mieux reconstruire. En tant que spectateur, on s’y perd forcément à un moment ou à un autre et la frustration n’est jamais loin. Toujours aussi exigeant, ce second tome se lit par petits bouts, comme une multitude de petits carreaux de mosaïque qu’il faudrait coller bout à bout pour en saisir le sens. Soit on est hermétique et on reste en surface au risque de crier à l’élitisme, soit on prend du recul pour mieux « vivre » le récit et là ça fonctionne.

    Pour ceux qui ont poursuivi l’aventure et finit le premier tome, « Encre » devrait tout de même paraitre plus « discipliné ». On sent que l’auteur poursuit une finalité et le mélange entre mythologies et histoire rend le tableau des plus intéressants. Ce cycle de vie sans cesse répété n’est d’ailleurs pas sans rappeler Nicolas Cluzeau et son multivers. La transition entre les différents plis de ce multivers se fait de manière plus naturelle, peut-être parce que les personnages et leurs multiples alter-egos nous sont maintenant familiers. La fin du dyptique possède une aura d’optimisme que l’on n’attendait pas forcément vu la dureté de cet univers… Tout est bien qui finit bien ? Ou est-ce juste le début ? Je vous laisse sur cette phrase de fin d’ « Encre » qui reflète bien le roman :

    « […] nous nous éloignons en voiture, […] nous les laissons en un lieu et un temps où nous pourrons revenir quand nous le souhaiterons parce qu’ils sont aussi réels qu’irréels, aussi éphémères qu’éternels, un lieu et un temps où [ils] vécurent, vivent et vivront heureux à jamais. »