Nu dans le jardin d'Eden

Harry Crews

Sonatine éditions

  • Conseillé par
    10 décembre 2013

    Paradis apocalyptique!

    Je connais peu Harry Crews et je ne pense pas, malheureusement, être le seul. Né en 1935, décédé en 2012, malgré une bibliographie forte de seize titres, je n'ai lu pour l'instant que "La foire aux serpents". Donc je me soigne avec l'édition de nouveaux titres chez "Sonatine".
    Prenez une ville créée de toutes pièces, mais dont les pièces et surtout les financiers sont allés voir ailleurs si dans une autre vallée l'herbe était plus verte! Et comme elle était plus verte, ils ne sont pas revenus. Donc la ville de morne plaine s'est transformée en mornes collines! Sauf que malgré les noms pompeux... les habitants ne sont pas des puits (de phosphate) de science. Ils attendent le sauveur, Jack O'Boylan, qui a transformé le paysage et leurs vies. Pour en définitive les laisser en plan aux mains de Fat Man et de son homme de main, Jester, ex-jockey dont un malheureux accident a brisé la carrière!

    Tout pourrait aller bien dans le meilleur des mondes, sauf que nous sommes dans le sud des États-Unis et que rien n'est simple et tout est tordu, du pays aux habitants! On pense évidement à "1275 âmes" de Jim Thompson ; pour "Fat Man", au boulimique du livre "Orgies funéraires"! Un puzzle de situations des meilleurs romans noirs et campagnards de la littérature américaine!
    "Garden Hill" rebaptisé par les derniers habitants de la ville "Phosphate Hill" n'est pas le Jardin d'Eden, loin s'en faut ! Les rares rescapés survivants ne sont, ni des saintes, ni des saints, mais dans la littérature noire et rurale américaine, ce genre de personnages ne court pas les rues!
    Tout ici est démesuré : le grand, gros, blanc est riche et obèse, le petit est jockey, pas très riche et noir! Mais que se cache-t-il réellement derrières ces apparences trompeuses?
    Fat ne pense qu'à se goinfrer, Jester qu'aux chevaux et Dolly qu'à transformer "Garden Hill" en 'Lunapar Hill" à la portée de toutes les bourses (bourses, pris ici dans le sens de l'endroit où l'on met de l'argent!). Et Dolly connaît la valeur marchande de son corps!
    Chronique de ce Sud flamboyant et aussi décadent, peuplé d'êtres hors-normes avec, malgré tout, quelques côtés attachants!
    L’Amérique profonde, très profonde, même si ici on est en Floride. Mais dans le "trou du cul" de la Floride, on pense à Jim Thompson bien sûr et à Erskine Caldwell pour la description d'un monde de "laissés pour compte" de l'Amérique triomphante.
    Et si la pensée profonde ou la morale (je n'aime pas ce mot) était : pourquoi toutes ses gesticulations... car après, tout redevient comme il aurait dû être... tous ces pantins sont partis et le monde tourne toujours aussi peu rond! Beaucoup d'argent et d'efforts pour laisser au final une ville fantôme.