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    3 septembre 2013

    Pas de gras dans ce roman, juste du muscle !

    On vous dit : un thriller de 98 pages, vous y croyez ? On vous dit : il y aura des cascades, des gros calibres, des filatures et des hamburgers gobés à même leur sachet en papier brun, mais _aussi_ des sentiments, les réminiscences d’une enfance sacrifiée, l’ébauche d’amours perdues… Vous haussez les sourcils ? Et alors, si on précise que c’est une réussite totale, que vous allez frissonner, pleurer et sursauter comme devant un film, vous pensez qu’on pousse le bouchon, pas vrai ? Vous avez raison, « Tu n’as jamais été vraiment là » est le genre de romans qu’il faut lire pour le croire. Ce n’est pourtant pas la première fois que Jonathan Ames nous étonne. Ce dandy excentrique a passé sa vie à New York et c’est écrit sur son front. Moitié-Woody Allen et moitié-James Gray (le réalisateur de « Two Lovers » et « La nuit nous appartient »), Ames a trempé sa plume dans à peu près tout et n’importe quoi : articles de presse, nouvelles, romans pastiches, écrits autobiographiques ou scénarios de séries. Il faut dire que Monsieur a l’humour prolixe. Mais la fortune de « Tu n’as jamais été vraiment là » ne repose ni sur sa fantaisie délurée ni sur sa corrosive irrévérence : pour une fois, Ames utilise le genre du noir sans aucune arrière-pensée, si ce n’est, peut-être, la volonté de rendre hommage au maître du genre, Raymond Chandler.

    Mâchoire volontaire, yeux délavés par une existence franchement pas tendre, Joe a remisé son uniforme de marines puis d’agent du FBI pour retourner vivre chez sa vieille mère dans la banlieue de New York et réfléchir sereinement au meilleur moyen de mettre fin à ses jours, une fois sa mère disparue. Histoire de contribuer aux maigres dépenses du foyer, Joe travaille comme privé. Sa spécialité : arracher des bordels les mineures prostituées. Un jour, un politicien très en vue fait appel à ses services pour retrouver sa fille de treize ans. Joe met alors le nez dans un immense réseau de corruption, dirigé par de vrais grands méchants bien décidés à le faire taire, sans hésiter pour cela à s’attaquer à la seule personne qui lui soit chère. Manque de bol pour eux, Joe n’a aucune peur de mourir, et très envie de se venger… Resserré autour de 24 heures échevelées, « Tu n’as jamais été vraiment là » est un vrai roman (et sûrement pas une longue nouvelle). Tout y est : la profondeur des personnages, l’architecture et l’ampleur narratives. Jonathan Ames démontre qu’il est diablement doué pour écrire l’horreur et le désespoir, et que son style ne perd rien de sa grâce photographique quand il se frotte aux bas-fonds de l’humanité. Et quel génie du rythme ! Le format court permet à Ames d’aller à l’essentiel. À l’image du sombre personnage sur lequel il s’arc-boute, il n’y a pas de gras dans ce roman : juste du muscle, à l’état pur.

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