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    21 juin 2016

    La collection Incipit dont cet ouvrage fait partie "propose à des grands écrivains de redonner vie à une première fois historique et d'en faire un objet littéraire personnel." Pari réussi pour Philippe Jaenada qui a décidé de parler des premiers Jeux Olympiques de l'ère moderne et plus particulièrement de ce fameux Spiridon. Il y a longtemps que je n'ai pas lu cet auteur, et je retrouve avec bonheur son écriture un brin moqueuse, légère, énonçant de choses sérieuses sur un ton volontairement rieur. Parenthèses et tirets sont bien présents qui sont la marque de fabrique de l'écrivain, ils lui permettent de donner son avis, de digresser, d'interpeller le lecteur, de le prendre à témoin, ... Lire ses descriptions des diverses épreuves est un régal ; si les commentateurs sportifs étaient aussi drôles, nul doute que je pourrais éventuellement, en fonction des circonstances, si rien d'autre ne me retient ailleurs et bien sûr sous réserve que je trouve la télécommande du téléviseur, m'intéresser au sport et peut-être même en regarder. Parfois. Il décrit à merveille l'arrogance des Étasuniens, le manque de stratégie d'Albin Lermusiaux, français, qui eut pu gagner en ne partant pas toujours comme une fusée, les voyages épiques de certains athlètes venus en Grèce à leurs frais et arrivés fatigués, l'un deux, australien, Teddy Flack, qui se soigna à l'ouzo... A chaque fois il enjolive l'anecdote qu'il raconte par une tournure drôle, une raillerie, ...

    Mais il sait aussi parler de choses sérieuses, comme l'absence des femmes et même l'estime en laquelle les tenait Coubertin -et bien d'autres-, en 1901 : "Le rôle de la femme reste ce qu'il a toujours été : elle est avant tout la compagne de l'homme, la future mère de famille, et doit être élevée en vue de cet avenir immuable." Onze années plus tard, il renchérira : "Une olympiade féminine serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte." Même en remettant ces propos en leur époque, il semble que le baron ne fut point très avant-gardiste ni même n'eut bon goût, parce que personnellement, quitte à regarder du sport, je préfèrerais regarder des filles, mais bon, je vous rassure, je ne regarde personne.

    Bien vu donc ce petit livre (à peine 170 pages sans compter le petit dossier final sur ces premiers Jeux Olympiques) qui sait nous cultiver dans la bonne humeur.

    PS : la couverture est signée Christian de Metter, lu ici dans ses adaptations de Shutter island et Au revoir Là-haut.