- EAN13
- 9782213653013
- Éditeur
- Fayard
- Date de publication
- 04/2014
- Langue
- français
- Fiches UNIMARC
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Autre version disponible
-
Papier - Fayard 23,00
En l'an 1818, Joseph Jacotot, révolutionnaire exilé et lecteur de littérature
française à l'université de Louvain, commença à semer la panique dans l'Europe
savante. Non content d'avoir appris le français à des étudiants flamands sans
leur donner aucune leçon, il se mit à enseigner ce qu'il ignorait et à
proclamer le mot d'ordre de l'émancipation intellectuelle : tous les hommes
ont une égale intelligence. On peut apprendre seul, sans maître explicateur,
et un père de famille pauvre et ignorant peut se faire l'instructeur de son
fils. L'instruction est comme la liberté : elle ne se donne pas, elle se
prend. Elle s'arrache aux monopoleurs d'intelligence assis sur le trône
explicateur. Il suffit de se reconnaître et de reconnaître en tout autre être
parlant le même pouvoir.
Il ne s'agit pas de pédagogie amusante, mais de philosophie et, si l'on veut,
de politique. La raison ne vit que d'égalité. Mais la fiction sociale ne vit
que des rangs et de leur inlassable explication. À qui parle d'émancipation et
d'égalité des intelligences, elle répond en promettant le progrès et la
réduction des inégalités : encore un peu plus d'explications, de commissions,
de rapports et de réformes, et nous y arriverons. La société pédagogisée est
devant nous. À sa manière moqueuse, Joseph Jacotot nous souhaite bon vent.
Jacques Rancière, professeur en esthétique au département de philosophie de
l'université de Paris-VIII, a également publié chez Fayard La Nuit des
prolétaires. Archives du rêve ouvrier (1981) et Le Philosophe et ses pauvres
(1983).
française à l'université de Louvain, commença à semer la panique dans l'Europe
savante. Non content d'avoir appris le français à des étudiants flamands sans
leur donner aucune leçon, il se mit à enseigner ce qu'il ignorait et à
proclamer le mot d'ordre de l'émancipation intellectuelle : tous les hommes
ont une égale intelligence. On peut apprendre seul, sans maître explicateur,
et un père de famille pauvre et ignorant peut se faire l'instructeur de son
fils. L'instruction est comme la liberté : elle ne se donne pas, elle se
prend. Elle s'arrache aux monopoleurs d'intelligence assis sur le trône
explicateur. Il suffit de se reconnaître et de reconnaître en tout autre être
parlant le même pouvoir.
Il ne s'agit pas de pédagogie amusante, mais de philosophie et, si l'on veut,
de politique. La raison ne vit que d'égalité. Mais la fiction sociale ne vit
que des rangs et de leur inlassable explication. À qui parle d'émancipation et
d'égalité des intelligences, elle répond en promettant le progrès et la
réduction des inégalités : encore un peu plus d'explications, de commissions,
de rapports et de réformes, et nous y arriverons. La société pédagogisée est
devant nous. À sa manière moqueuse, Joseph Jacotot nous souhaite bon vent.
Jacques Rancière, professeur en esthétique au département de philosophie de
l'université de Paris-VIII, a également publié chez Fayard La Nuit des
prolétaires. Archives du rêve ouvrier (1981) et Le Philosophe et ses pauvres
(1983).
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