Sociologie de la culture
EAN13
9782200347710
ISBN
978-2-200-34771-0
Éditeur
Armand Colin
Date de publication
Collection
AC.UNIVERSITAIR
Nombre de pages
240
Dimensions
21 x 15 cm
Poids
395 g
Langue
français
Code dewey
306
Fiches UNIMARC
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Sociologie de la culture

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Armand Colin

Ac.Universitair

Indisponible
Première Partie?>Les biens?>?>Chapitre I?>Aux origines d'une sociologie des biens culturels?>L' enquête sur les biens culturels prend chronologiquement sa source dans trois traditions : la philosophie allemande des XVIIIe et XIXe siècles, l'anthropologie anglo-saxonne des XIXe et XXe siècles et les grands systèmes explicatifs de la même époque et du tournant du siècle (marxisme, positivisme).La tradition intellectuelle allemande?>C'est à la tradition allemande que l'on doit d'avoir initié la réflexion, tant sur l'idée de culture comme norme collective que sur le fait culturel comme manifestation de la vie nationale.Langue et cultureEn concevant l'artifice d'un « contrat social » fondateur du politique, la France et la Grande-Bretagne auraient, par leurs révolutions aux XVIIe et XVIIIe siècles, rompu tout lien « naturel » avec leurs racines historiques (médiévales et chrétiennes) et ethniques (populaires et paysannes). En Allemagne, au contraire, nombre d'écrivains, de juristes et de philosophes des XVIIIe et XIXesiècles ont lié la culture allemande à l'étude des origines du peuple germanique, en l'enracinant dans ses soubassements historico-ethniques, mythiques et institutionnels. Ils ont proclamé haut et fort ses valeurs créatrices et civilisatrices dont la langue - poétique à l'origine - devait être le vecteur (d'où l'importance des études de philologie romane dans l'université allemande des XIXe et XXe siècles). Une double perspective commande cette approche : mise au jour du « génie » allemand originaire, de son Volksgeist (l'esprit de son peuple) forgé dans la matrice de la langue, et permanence de l'ethnicité allemande dans l'histoire.Les poètes, écrivains, juristes, philosophes ont largement contribué à structurer cette position commune. Qu'il s'agisse de Goethe (1749-1832), Herder (1744-1803), Schiller (1759-1805), Fichte (1762-1814), Hölderlin (1770-1843), Hegel (1770-1831) ou Schelling (1775-1854), tous partagent cette conception de l'unité du peuple, de sa culture et de sa langue. Ils ont consolidé leur vision en procédant à un retour généalogique sur le caractère originaire du peuple allemand. En récusant dans Une Autre philosophie de l'histoire (1774) l'universalité uniformisante des principes abstraits et rationnels chère au mouvement des Lumières, Herder donne la main à Fichte qui, dans ses quatorze Discours à la Nation allemande (du 13 décembre 1807 au 20 mars 1808), fait valoir les droits « naturels » du peuple germanique à se penser et à se vouloir « peuple primordial, peuple par excellence » et par là même à diriger le monde...De son côté, Hegel systématise cette approche et en fait un axe majeur de sa philosophie de l'histoire des peuples, de la Raison dans l'histoire. En effet, il fait vivre en tout peuple un « esprit national particulier » et l'inscrit dans le mouvement de l'histoire universelle comme un de ses moments. Dans l'époque de sa pleine réalisation, chaque peuple, conscient de soi, prend une figure particulière de l'Absolu en marche dans l'histoire. Il est, en effet, un « individu qui est un monde » (Phénoménologie de l'esprit, Paris, Aubier, 1939-1941, vol. 1, p. 315). Ce « monde », c'est la langue qui en structure la vision spécifique, les mythes et les symboles. C'est elle qui en transmet les valeurs, mais aussi les ressources et les potentialités... En « divinisant » de la sorte le « génie » propre à tout peuple, Hegel découvre le fil directeur inconscient des générations successives tissant, tel un individu unique étalé dans le temps, un lien organique entre ses membres et ses actions, son présent et son passé. La langue est la matrice de la culture en tant qu'expression de l'esprit d'un peuple dans la diachronie. Elle est à la fois un élément objectif et une forme par laquelle une civilisation se déploie dans l'espace d'une collectivité, se transmet de génération en génération et se transforme dans ses fins.Au début du XXe siècle, dans ses Essais sur la théorie de la science, le sociologue Max Weber hérite partiellement de cette conception hégélienne du Volksgeist car il prend soin de la relativiser en la replaçant dans l'histoire empirique des peuples. Il récuse ainsi la vision hégélienne d'une marche inexorable révélant l'Absolu dans l'Histoire et privilégiant l'apport civilisateur de certains peuples plus « géniaux » que d'autres et comme « destinés » à les dominer. Weber, au contraire, voit dans le Volksgeist une tout autre chose, il y décèle seulement le fondement réel de l'ensemble des manifestations culturelles d'un peuple émanant toutes de lui.
Cette conception empirique est, depuis, devenue commune à plusieurs disciplines et à plusieurs approches en sciences sociales. Elle s'est répandue dans les sociétés occidentales : la langue, certes, continue d'être considérée comme le fondement spirituel de la culture, mais c'est parce que la culture, à son tour, est le principe d'organisation de la vie en société. Défendue depuis lors comme cause nationale par toutes les politiques culturelles, la langue est ce que l'on transmet à l'école en tant qu'outil commun de communication et d'échange, en tant que support de toutes les autres transmissions et en tant que socle de toutes les productions littéraires et poétiques, artistiques et scientifiques. Ainsi, grâce à elle et par sa médiation, la culture et la création artistiques dirigeraient la vie spirituelle de chaque peuple. Comme nous l'ont montré les ethnologues, c'estdans et par la langue que s'affirment la singularité culturelle et la créativité symbolique de chaque peuple. Aujourd'hui, cette conception trouve à s'exprimer aussi bien dans la politique défensive des « aires francophones » éparses dans le monde, que dans la politique protectrice d'une « exception culturelle » française au sein du monde européen, destinée à faire face au monopole qui s'annonce des productions culturelles issues du monde anglo-américain (dans la langue anglaise justement).Les«sciences de la culture»• La fondation des « sciences de la culture »La sociologie allemande a émergé à la fin du XIXe siècle au cœur du débat épistémologique entre les « sciences de la nature » et les « sciences de la culture », débat désigné comme la « querelle des méthodes » entre les deux ordres de sciences. Elle s'est affirmée au sein d'un espace des sciences morales et culturelles centrées sur l'individu et son historicité, opposé à celui des sciences physiques et naturelles, centrées sur les phénomènes mécaniques, chimiques, physiologiques, biologiques. Alors que les sciences physiques et naturelles appelaient une enquête explicative sur l'enchaînement des causes et des effets, une recherche des lois et des relations nécessaires qui régissent leurs phénomènes, les sciences morales et culturelles devaient développer une approche compréhensive des intentions qui sont au principe des comportements humains, et qui donnent leurs significations aux actions individuelles et à leurs interdépendances dans les groupes.La pluridisciplinarité rapprochait, en outre, les unes des autres la sociologie naissante, l'histoire, l'économie, bien qu'au sein de chaque discipline ce débat partageât déjà les partisans d'une approche « positiviste » et « descriptive » des phénomènes culturels comme phénomènes objectifs, et les partisans d'une autre approche « comparative » et « normative » centrée sur la diversité, la relativité, le contraste, la symbolique des faits moraux et culturels.Wilhelm Dilthey (1833-1911) a cherché à fonder les sciences morales de la culture ou de l'esprit par l'herméneutique, entendue comme interprétation des « traces », des expressions ou des manifestations de l'esprit. Il propose une conception à deux étages :- il existe des biens matériels qui témoignent du passé ; ils en représentent les traces et en sont les productions culturelles parvenues jusqu'à nous ;- ces biens ont une signification. La science de la culture est la science de leur déchiffrement.
Dans cette tradition, l'enquête devait porter sur un « esprit », un « sens », plutôt que sur la caractérisation intrinsèque de quelques biens (les œuvres d'art par exemple). Ces derniers n'apparaissaient ici que comme des « symptômes...
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