François-Régis SIRJACQ (Libraire)

Roman

Albin Michel

19,90
14 février 2022

rôle, vif, tendre, rieur, espiègle, embué d’émotion, multipliant les pirouettes, il réussit à nous amuser, à nous surprendre, à nous attendrir

Le sujet évoque un monde en voie de disparition – celui de l’édition indépendante. Un univers futuriste aussi, où les prix Goncourt et ses suiveurs ne vaudraient pas tripette. Les personnages : Pierre et Claire, un couple marié, uni comme les doigts de la main, passionnés par les livres. Tandis que leurs amis rompent ou divorcent, que leur vieux copain Mathieu, écrivain en mal de succès et de consécration, change de fiancée comme de chemise, ils demeurent fidèles à eux-mêmes et à leur maison d’édition, maison qui doit se battre pour survivre à ses échéances bancaires, alors qu’un groupe industriel est sur les rangs pour la reprendre et la renflouer. Tandis que les menaces financières se précisent, ils sortent, boivent, mangent, fréquentent des restaurants où le tout Paris des lettres se croise sans toujours se voir.
Eric Neuhoff nargue son époque, il parle, avec talent d’un milieu qu’il connaît par cœur, il multiplie les clins d’œil, les allusions, les références. Il parvient ainsi à citer deux de ses propres livres en une seule ligne (« la Petite Française », « Un bien fou«, deux roman couronnés, ceux-là, par de grands jurys l’un par l’Interallié, l’autre par l’Académie Française ). Une façon bien à lui de rire de tout et de lui-même. De se défier de sa propre nostalgie, en s’avouant démodé. Drôle, vif, tendre, rieur, espiègle, embué d’émotion, multipliant les pirouettes, il réussit à nous amuser, à nous surprendre, à nous attendrir. Ce cynique apparent serait-il un romantique? Pour nous il nous parle d’un milieu souvent fermé, nous faisant découvrir les coulisses de ce que l’on appelle souvent "le monde du boulevard Saint Germain".

14 février 2022

Un roman qui pose beaucoup de questions

Karine TUIL, dans ce nouveau roman s'approche ici au plus près de l'actualité : d’un côté, il y a le portrait d'Alma une juge d’instruction antiterroriste qui détient le sort d'un homme, Abdeljalil Kacem emprisonné en France pour suspicion de radicalisation suite à un retranchement en Syrie. De l’autre il y a ce suspect : il semble roublard, il réfute les accusations en mettant en avant sa seule croyance en l’islam. On suit jour après jour l'interrogatoire de la juge auprès du musulman qui jure de son innocence.
Mais, Alma a aussi une vie privée : elle est une femme mariée, 2 enfants qui, suite à une déliquescence de son couple va entretenir une liaison avec l'avocat de Kacem, Emmanuel. Elle doute, elle vacille entre raison et déraison.
L’auteure nous offre un portrait de femme des plus actuels, entre le poids des responsabilités, la pression professionnelle, les zones d'ombres entre la présomption d'innocence et la protection d'un pays, Alma aime depuis peu comme jamais. Elle écoute son amant qui fait battre son cœur, elle l'entend répéter qu'il n'y a nulle preuve d'accusation sur Kacem, que la prison c'est l'antre de la radicalisation, de la haine. Elle entend. Et se laisse peu à peu basculer dans cette humanité où l'on entend pourtant toujours et encore la haine crier à la mort.
Il y a beaucoup de force dans ce livre, une émergence conflictuelle entre l'amour et la haine, un combat inégal entre la beauté et la laideur, des corps qui s'étreignent pendant que d'autres s'entretuent.
La structure du roman est parfaite pour illustrer ces différents thèmes : alternance entre des chapitres concernant l’interrogatoire du suspect et des chapitres sur la vie ce cette juge.

14 février 2022

Les réponses, vous les trouverez dans ce roman écrit avec un réalisme certain

Martin Hill, dans un concours de circonstances, se retrouve à passer les castings pour jouer le rôle de Harry Potter au cinéma. En short List finale : lui et Daniel Radcliffe.
Drame, c’est Daniel Radcliffe qui a été choisi car il avait un petit plus : à savoir une force mentale pour traverser une expérience extrême.
Martin se retrouve propulsé au rang de second, de looser, celui qui aurait pu et dû interpréter Harry Potter.
Sa vie bascule, il vit cet échec, alors qu'il n'a que dix ans, comme un effondrement. Il évite l'école : on n'y parle que du phénomène HP. Il évite la rue : on y voit que des affiches des films HP.
Mais alors comment va-t-il réussir à vivre avec cet échec ? Comment Martin va se reconstruire et se construire tout court ? Sa grande chance sera d’être très bien entouré par des parents bienveillants : Jeanne et John qui aiment d’un amour sans faille leurs fils.

3 septembre 2021

Un récit bouleversant et superbe

Ce déchirant roman se passe à Glasgow dans les années 80 sous le règne de Margaret Thatcher et relate l'histoire d'un fils trop tendre pour le quartier où il est né. Sa mère, Agnès Bain, après avoir rêvé d'une maison bien à elle, d'un jardin et d'un homme qui l'aime, va être abandonnée par son dernier époux et tomber chaque soir dans les bras réconfortants de la bière. Un membre de sa famille, Shuggie, ne l'abandonnera pas. Alors il espère qu'elle surmonte son amour pour l'alcool et se rappelle qu'elle l'aime plus que ses canettes, que le liquide ambré qui coule dans ses veines à toute heure.
L'auteur met du sien dans ce premier roman, se livre sans doute, et signe un récit bouleversant et superbe.

3 septembre 2021

Avant les années terribles

Dans une Afrique encore traversée de magie et de superstition, l'épopée tragique d'un enfant soldat, victime et bourreau, innocent et coupable. Victor del Árbol nous plonge dans les ténèbres du cœur de Joseph Kony, le Sorcier du Nil. Il nous raconte la vie de Isaías Yower, jeune ougandais qui a fui son pays pour rejoindre l'Espagne. Le contexte est absolument hallucinant de violence, mais rien n'est inventé. Enfin si : l'histoire d'Isaías. Le livre se déroule sur deux époques : la jeunesse d'Isaías et son retour en Ouganda pour témoigner lors d'un congrès. N'est-ce pas la tragédie des enfants-soldats qui sont de fait des victimes à qui l'on a volé leur enfance avant d'être des criminels.