Albertine

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Sous le pseudonyme d'Albertine, hommage à Marcel Proust, se dissimule une Joëlle passionnée de lecture depuis l'enfance. Mon appétit d'ogresse pour les mots, les histoires, les voyages à travers les pages ne s'est pas atténué avec les années. Je marche au coup de cœur, guidée par ma curiosité qui m'incite toujours à découvrir de nouveaux écrivains, à explorer de nouveaux genres. Je navigue entre romans policiers, fresques historiques, livres feel-good et essais sur l'actualité, au gré de mes humeurs et des rencontres avec certains auteurs. Participer à Dialogues Croisés, c'est partager ce bonheur de lire et avoir l'opportunité de mettre dans la lumière des « pépites » littéraires.

Conseillé par
15 décembre 2010

un livre de saison

"Décembre est sans pitié, cette année. Après dix jours de pluie, il y a eu du vent, et puis voilà qu'une saleté de neige a commencé à tomber ce matin."

Marie-Sabine Roger débute ainsi ma nouvelle préférée, celle où apparaît une profonde humanité, un amour des plus faibles que j'ai beaucoup appréciés dans "Vivement l'avenir". Dans cette nouvelle, Ce soir, c'est fête !, un clan d'irréductibles petits vieux vit dans une cabane, cernée par des immeubles en construction. Ils savent qu'ils vont bientôt être chassés mais Noël approche et leur doyenne, Lucienne, dite Lulu, qui est retombée en enfance, se met à rêver au Père Noël.

Ce recueil, c'est parfois la revanche des faibles, des timorés, des délaissés. Pour un temps, ils vont connaître le sentiment d'exister pour autrui comme Sylviane, employée modèle et exploitée d'un cabinet comptable. A partir du moment où elle recueille un chaton et devient, n'ayons pas peur des mots, une maman, elle va oser s'affirmer et revendiquer son droit à une vie privée.

Ce recueil, c'est aussi des êtres qui affrontent la douleur : un avortement vu comme le renoncement à une vie différente ou la mort d'un père et l'impossible vide à combler.

Ce recueil, c'est l'art de la chute comme dans la dernière nouvelle Il ne fait jamais noir en ville. Liliane a 85 ans, doit abandonner sa ferme isolée en montagne pour un appartement sécurisé dans la grande ville où réside son fils. Ses vieilles copines, toutes veuves, la voient partir avec désespoir. Que vont devenir ses poules, son potager ? Que sera son quotidien loin de chez elle ? Vous le saurez en lisant ce texte qui m'a rappelé les dernières années d'une de mes grands-mères.

Marie-Sabine Roger a un style qui me touche, des phrases inventives qui ne forcent jamais la note mais épousent au plus près la psychologie des personnages.

Un recueil de nouvelles à lire absolument

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11 novembre 2010

Brian McNulty, looser sympathique...

Un petit polar classique dans le New-York des années 1990
L'auteur a choisi le mois de décembre, si particulier avec son ambiance de fêtes et ses rues illuminées pour faire éclater un conflit social à l'hôtel Savoy où le personnage principal, un Irlandais humaniste , officie en tant que barman.

Le patron de l'établissement se prend le bec avec une serveuse, la renvoie sans ménagement et se retrouve avec une grève sur les bras. Brian McNulty se voit contraint d'endosser le rôle de leader, rôle qui le gêne aux entournures. En effet, il n'a pas le charisme de son père, ancien journaliste et éternel pourfendeur des injustices. Surtout que l'affaire se corse, le patron mécréant est zigouillé ! Ajoutez à cela que notre héros est copieusement et régulièrement abreuvé d'insultes téléphoniques par son ex-femme, que son appartement est squatté par son fils ado en pleine crise et par un chaton à la litière odorante, que son ami Barney semble être soupçonné du meurtre et vous aurez une idée du quotidien de notre homme. Heureusement, les pauses Guiness sont là pour lui remonter le moral...
Une lecture agréable malgré quelques longueurs

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7 novembre 2010

"Tchou tchou ..."

Non, je ne retombe pas enfance ! Le tchou tchou en question est un tortillard qui relie Ingeniero Jacobacci à Esquel, deux petites villes de la vaste Patagonie argentine. C'est le train que deux bras cassés, Haraldo alias Butch Cassidy et Genaro alias Bairoletto, vont prendre dans l'objectif de libérer Beto, le frère d'Haraldo.

Beto doit être tranféré d'une prison à une autre et pour se faire, il va emprunter le tortillard en "compagnie" d'un policier.

Nos deux héros, qui ne dépareraient pas dans la bande de Dortmunder (personnage inventé par le regretté Donald Westlake), ont une vision un peu passéiste des attaques de trains. Le cerveau, c'est à dire Haraldo, en est resté au temps de B.Cassidy. Ils ne s'attendent donc pas aux multiples obstacles qui vont se présenter devant eux . Les otages, par exemple, ne sont plus ce qu'ils étaient autrefois. Comment voulez-vous raisonner des touristes allemands, écologistes dans l'âme, qu'un otage doit être apeuré et docile et n'a pas à exiger de manifester lorsque le train passe à proximité d'une décharge de déchets toxiques ? Comment voulez-vous garder votre sang-froid quand une Hollandaise extrêmement libérée entreprend de faire de Genaro un homme heureux, très heureux ? Comment se faire obéir d'autochtones que cette prise d'otages n'interrompt même pas dans la dégustation de leur maté, la boisson nationale ?

Nos deux héros, je vous le dis, ont bien du mérite ! Le lecteur, lui, se se régale et voudrait que le train n'arrive pas à destination tellement l'histoire est drôle et les personnages touchants malgré (ou à cause) de leur ridicule. La fin est surprenante et d'une certaine manière poétique...

Un polar déjanté qui met de très bonne humeur !


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28 octobre 2010

Un livre qui sent la frite...et le vitriol !

Ce n'est pas parce que le narrateur a un frère reconverti dans la baraque à frites que le roman de Julie Douard a la gentillesse bonasse de "Bienvenue chez les Ch'ti". L'auteur trempe sa plume dans le vitriol pas dans la végétaline !

Le personnage principal, que nous suivons de sa naissance à ses seize ans, se traîne une famille calamiteuse : un père falot, une mère dépressive, une soeur Philomène violente et caractérielle et un frère Georges aussi mou moralement que physiquement. Il sort du lot, l'explication est peut-être dans le fait que son véritable géniteur soit l'ancien patron de sa mère. L'auteur nous présente ce "background" avec un détachement presque clinique, qui finit par perturber le lecteur. Les personnages sont épinglés comme des papillons sur le tableau de chasse d'un entomologiste, observés avec beaucoup d'attention mais peu d'empathie. C'est un roman cruel et parfois totalement hilarant. Notre jeune héros subit au lycée les assauts d'un prof de théâtre qui souffre du retour d'âge et le portrait de cette nymphomane à l'imagination débridée est une merveille de vacherie. Autre portrait particulièrement remarquable, celui de l'amant de Philomène qui disjoncte complètement et dont la folie est assez jubilatoire.

Au final, le héros s'en sort plutôt bien, petit Roméo au coeur tendre dans un univers pas folichon... Lire Julie Douard est revigorant, décapant... Son roman est un courant d'air glacé, une bise coupante qui réveille le lecteur un peu assommé par une rentrée littéraire très (trop) copieuse.


roman

Éditions Jacqueline Chambon

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19 octobre 2010

un roman inoubliable

Il est rare qu'une lecture me bouleverse autant, me poursuive même quelques jours après avoir refermé le livre la dernière page tournée. Je crois que je n'avais pas envie de quitter Aibileen, Minny et Miss Phelan, de les abandonner à leur sort sans savoir ce que l'avenir allait leur réserver. Bien sûr, il s'agit "d'êtres d'encre et de papier" mais Kathryb Stockett, par la puissance de son histoire, leur a donné plus qu'une vie, un destin.

Nous sommes à Jackson, Mississippi, en 1963. Selon le maire, la ville est un petit Paradis où chacun a sa place, les Blancs d'un côté, les Noirs de l'autre. Les lois raciales ne sont pas remises en question, elles constituent même le fondement de cette micro-société malgré leur caractère totalement absurde. Pourtant, la graine de la révolte est semée par Miss Hilly, présidente de La Ligue, dictateur en jupon et langue de vipère. Elle tient sous son joug les jeunes femmes blanches de Jackson et milite pour qu'une loi soit votée afin que les bonnes noires aient des toilettes indépendantes dans la maison de leur employeur. Selon elle, une trop grande promiscuité pourrait entraîner des maladies. Cette loi, cette petite graine, va pousser Skeeter Phelan, pourtant une amie très proche de Miss Hilly, à agir. Elle en vient à se demander quel est le point de vue des bonnes sur cette question. Ce questionnement est déjà en soi une extraordinaire avancée. Jamais peut-être auparavant, elle n'avait envisagé que les employées de couleur puissent posséder une opinion. Une fois mis le doigt dans l'engrenage, elle va "apprivoiser" petit à petit Aibileen, la bonne de son amie Elizabeth puis d'autres bonnes et l'idée d'un livre de témoignages va naître. Dans ce livre, les femmes noires pourront livrer leur version des faits, l'envers du décor. Un peu comme Candide, Skeeter découvre que la réalité est beaucoup plus complexe qu'elle l'imaginait, que la relation entre une femme blanche et sa bonne noire n'est pas forcément calamiteuse, qu'il y a des moments de complicité mais aussi des moments de cruauté absolue.

Cette formidable fiction nous montre des femmes qui s'émancipent aussi bien Miss Phelan d'ailleurs que les employées noires. Elle nous montre des femmes déterminées qui risquent leur vie (le Ku-Klux-Klan est une menace permanente) pour apporter leur pierre à l'édifice que Martin Luther King est en train de bâtir.

Je vote pour que ce roman figure au programme de la nouvelle option en Seconde Générale :"Littérature et Société". Puisse-t-il bouleverser et faire réfléchir nos futurs citoyens sur les lois qui doivent permettre de mieux vivre ensemble...